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Une vraie simplification du compte personnel de prévention de la pénibilité, le patronat français en rêvait ! De là à rêver aussi de la disparition à plus ou moins long terme de la mesure, il n’y a qu’un pas... qu’il ne faut surtout pas franchir ! De fait, si les annonces du gouvernement le 26 mai entérinent une simplification sensible du dispositif, la pénibilité est une notion désormais perçue comme un avantage acquis par les salariés. Employeurs et DRH devront bel et bien la gérer et s’armer pour éviter certains risques.

 

Simplification n’est pas suppression

Parole de Premier ministre, le compte personnel de prévention de la pénibilité va être simplifié et la mise en application de certains mécanismes sera différée de six mois. Inspirés par les rapports des missions Christophe Sirugue et Huot – de Virville, ces ajustements annoncés le 26 mai dernier ont fait l’objet d’amendements au projet de loi sur le dialogue social.

Jusqu’à cet arbitrage ministériel, le dispositif prévoyait notamment une évaluation par l’employeur de l’exposition de chacun de ses salariés dans une fiche individuelle. Pour mémoire, dix facteurs de risque ont été retenus à cette fin, dont quatre sont entrés en vigueur en début d’année (travail de nuit, rythmes répétitifs, etc.), les six autres devant être effectifs au 1er janvier 2016.

Principale annonce de Manuel Valls, un report de l’entrée en vigueur des six derniers facteurs de pénibilité. La date butoir est repoussée de six mois, au 1er juillet 2016.
Autre aménagement de taille, l’employeur n’aura plus de mesure individuelle à accomplir lorsqu’il disposera d’un référentiel de branche. La fiche individuelle, si décriée par le patronat, perd donc son caractère obligatoire. Pour évaluer l’exposition de ses salariés, l’employeur pourra se contenter d’appliquer le référentiel de sa branche qui identifiera quels postes, quels métiers ou quelles situations de travail sont exposés aux facteurs de pénibilité.

En ce qui concerne la déclaration, la procédure se réduira désormais à une déclaration annuelle à la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV) via le logiciel de paie, à l’occasion de la déclaration annuelle des données sociales (DADS). Concrètement, l’employeur devra cocher les cases correspondant aux facteurs de pénibilité auxquels sont exposés ses salariés et définis par l’accord de branche.

En résumé, le rideau tombe sur la fiche individuelle et la déclaration est simplifiée, mais la mesure demeure. Et tout porte à penser qu’elle demeurera même en cas de changement de majorité (élection présidentielle de 2017), tant la prise en compte de la pénibilité est désormais perçue comme un acquis social par les salariés concernés. Chaque entreprise employant des salariés entrant dans les critères doit donc se préparer sérieusement à absorber la mesure et à la gérer de façon proactive.

 

Maintenir la traçabilité de l’acquisition de points

Parce que la démarche va perdurer, les salariés souhaiteront tôt ou tard utiliser les points pénibilité qu’ils gagnent d’une année sur l’autre : l’entreprise doit anticiper les demandes qui pourront se faire jour dans 15 ou 20 ans.  Désormais délesté de l’établissement de fiches individuelles de pénibilité, l’employeur ne peut pour autant se dispenser de tout suivi. Ce serait en effet une grave erreur, qui ferait peser des risques importants à moyen et long terme sur l’entreprise : désorganisation massive de l’activité au moment où les salariés souhaiteront utiliser leurs points, incapacité de se défendre lors de l’apparition de contentieux…

L’employeur doit pouvoir opérer une traçabilité aussi fine que possible de l’acquisition de points pour chacun de ses salariés afin que la CNAV puisse procéder au calcul des points. Cette traçabilité permettra, par exemple, de provisionner les sommes nécessaires pour plus tard. L’entreprise doit donc se munir d’un compteur de points en propre (non communiqué aux salariés) à corréler avec la pyramide des âges.

La prise en compte de la pénibilité ne peut raisonnablement se gérer de façon artisanale via des fichiers Excel ou Word. L’outil SIRH que l’entreprise choisira devra fluidifier la gestion des risques professionnels mise en place dans chaque entreprise et donc permettre :
• Une automatisation des pratiques (les changements d’affectation des collaborateurs dans les GEH)
• Une mise à jour du document unique
• Un pilotage du nombre de salariés concernés par la pénibilité, de la masse salariale correspondante
• Le pilotage de certains indicateurs relatifs à l’absentéisme, même si, comme nous allons le voir, les récentes annonces de simplification du compte personnel de prévention de la pénibilité risquent de rendre ces indicateurs inutiles

 

Le référentiel branche, une fausse bonne idée ?

Pour sécuriser le dispositif juridiquement et prévenir les contentieux, les référentiels de branches seront homologués par l’État, de sorte que les employeurs appliquant un référentiel ne puissent être pénalisés financièrement. Cela signifie concrètement qu’il reviendra aux accords de branches de définir les seuils et les durées des facteurs de pénibilité, via des référentiels de métiers qui seront ainsi communs à toutes les entreprises. En clair, on considérera que l’ensemble des maçons est exposé à tel ou tel facteur, l’ensemble des peintres à tel ou tel autre, etc.

Cependant, si certains facteurs comme le travail de nuit ou en équipes alternantes sont faciles à apprécier, d’autres le sont moins. Les facteurs ergonomiques et physiques, notamment, supposent une connaissance fine des activités réalisées dans l’entreprise et un suivi individuel que toutes les entreprises ne sont pas forcément en mesure d’opérer.
D’autre part, malgré le report des 6 facteurs restants au 1er juillet 2016 *, les branches professionnelles vont avoir peu de temps pour réaliser les référentiels requis : quand on considère que c’est sur cette base que seront acquis les points de tous les salariés exerçant un métier donné, sans que soit pris en compte le parcours personnel de chacun d’eux (absences, arrêts maladie, périodes de formation…), la simplification du dispositif ne risque-t-elle pas d’avoir un coût élevé, au bout du compte, pour l’employeur ?

 

Les patrons le voulaient, le gouvernement l’a fait : la mise en application du compte personnel de prévention de la pénibilité est (réellement) simplifiée pour l’entreprise. On peut tout de même s’interroger sur le sens et l’objet initial de la mesure ; ne s’agissait-il pas au départ, en prenant en compte la pénibilité, de favoriser les actions de prévention de celle-ci ? Or, avec ces récents ajustements, ce qui devait au départ engendrer un cercle vertueux en incitant les employeurs à mettre en place des mesures de prévention visant à faire baisser les points pénibilité des collaborateurs disparaît. Le dispositif se fige désormais sur les référentiels des branches professionnelles et l’affectation automatique des points en fonction du métier. Dès lors, quel sera l’intérêt des employeurs à initier des actions de prévention de la pénibilité ?

* On notera que le décalage à juillet 2016 ne pénalisera pas les salariés concernés, puisqu’ils bénéficieront exceptionnellement pour le second semestre 2016 des points équivalant à une année entière.

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