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Note de blog tiré de l’article d’HBR du 29 Mai 2009 de David Silverman.

Le prix du temps

A de nombreuses reprises dans mon métier de consultante je me suis interrogée sur la valeur réelle d’un livrable au vu du temps passé à le relire, le réécrire, le mettre en forme et sous différentes formes et sous différents formats pour qu’il soit adapté aux clients à ses clients internes, aux prestataires et aux fournisseurs. Je me suis par la même occasion souvent questionnée sur la valeur ou du coup le coût de ces éléments au regard des impacts business qui en découlaient. L’impact business, loin d’être anodin pour certains, pour d’autres, était plus discutable. Plus récemment j’ai eu l’occasion de lire un article de David Silverman sur ce sujet. Il remet en question dans son article, la réelle valeur et par la même le réel coût d’une tache dans une entreprise, reprenant notamment la notion de coût complet.

 David Silverman a travaillé ces dernières années et face à l’implosion globale des marchés, sur des problématiques aussi vastes que la redéfinition des modèles de rémunération des cadres, qu’aux modèles de gestion des business schools, des trusts, ou bien au futur du modèle capitaliste dans lequel nous évoluons.

 

Le temps comme valeur étalon ?

De manière générale une idée est ressortie de ses travaux et études : l’idée de rémunérer les collaborateurs sur la base du temps passé à réaliser les tâches demandées, y compris en interne.

Dans la plupart des entreprises, chaque collaborateur peut demander à n’importe quel autre collaborateur d’effectuer une tâche pour l’entreprise. Par exemple le département Marketing va vous demander de communiquer à vos amis sur la nouvelle offre de service ou le nouveau produit développé par votre entreprise ; la hotline informatique vous informe que le serveur de données dont vous ignoriez jusqu’à l’existence n’est plus en service et vous demande de leur dire si vous avez des données ou des fichiers stockés sur ce serveur, et le département ressources humaines souhaite que vous assistiez au séminaire en ligne de deux heures sur « Comment ne pas être l’employé qui fait l’entreprise se faire assigner au tribunal ».

Dans chacune de ces occasions, il existe une bonne raison de réaliser ces demandes aux collaborateurs : de manière collégiale, les collaborateurs ne souhaitent pas qu’un contrat sur la nouvelle offre de service soit manqué, que des fichiers de données soient perdus ou que l’entreprise soit assignée pour une raison ou pour une autre parce que vous n’avez pas suivi le séminaire en ligne de deux heures. Le problème n’est donc pas la raison de la demande, mais le coût réel de cette demande pour l’entreprise.

En effet, pour le département des ressources humaines, il n’y a pas de différence de coût entre solliciter 10 managers et 10.000 managers à assister à un séminaire en ligne. Dans une atmosphère de tension économique et de coupures budgétaires, la tendance est à la globalisation de ce type de demandes ayant un coût facial peu important pour ainsi se prémunir de perte de productivité ou de performance quel que soit les domaines. Pour les départements et managers faisant ce type de demande, l’action même de faire la demande prend en soit peu de temps et a un coût facial peu important. Le problème réside dans le coût « caché » de ce type de demandes.

 

Des priorités à redéfinir

Nous ressentons tous l’impact de ce type d’emails récurrents et qui en apparence sont censés ne nous prendre que peu de temps à traiter. Dans nos vies personnelles, nous classifions ces demandes comme des spam. Au travail, nous ne pouvons les contourner et les classifier ainsi car les emails font état de demandes d’une personne qui quelque part dans l’entreprise a besoin que ces tâches soient réalisées.

En 1911, une étude a été menée par Frédérick Taylor sur la gestion du temps et des activités des travailleurs. Son étude portait sur le « Management Scientifique », qui avait vocation à améliorer la performance des travailleurs sur la base de l’étude de l’ordonnancement de leurs tâches et de leurs mouvements. D’autres études ont ensuite été menées pour améliorer la performance de chacune des tâches, en rationalisant au maximum la production. De nos jours, il semblerait qu’une attention moindre soit portée à la perte de productivité de 10% d’un collaborateur du à l’ajout de tâches récurrentes n’ayant pas une forte valeur ajoutée pour l’entreprise.

 

Une refacturation pour plus d’innovations

La proposition de David Silverman pour remédier à ses spams professionnels est de facturer les départements qui effectuent ces demandes à plus d’un nombre limité de collaborateurs, le montant de cette facture augmentant bien entendu en fonction du nombre de collaborateurs impactés par la demande et du temps nécessaire au traitement de celle-ci. Nous avons tous participé à des réunions très importantes où quelqu’un à un moment donné a pu lancer le commentaire suivant : « Est-ce que vous réalisez le temps et donc le montant gaspillé par l’entreprise à réunir l’ensemble des personnes autour de cette table ? ». Réalisons donc ce calcul pour remettre les choses à plat grâce à un exemple :

« Est-ce que l’ensemble des collaborateurs d’une société doit connaitre et réaliser la nouvelle procédure concernant l’utilisation des ports USB ? » Sans en connaitre le coût complet, le département informatique serait tenté de répondre oui, tout le monde possédant un ordinateur. Mais si la demande est reformulée de la façon suivante : « Est-il opportun de dépenser 100.000 dollars du budget du département IT pour que 50.000 personnes de l’entreprise passent 30 minutes pour réaliser cette procédure? », il parait logique de nous poser la question de la pertinence de la demande au regard du coût complet de celle-ci.

Le fait de refacturer le temps passé au département IT favoriserait ainsi la recherche de plus d’innovation : comment faire que les collaborateurs n’y passent que 10 min au lieu de 30. Ou peut-être celui-ci ne sélectionnerait que 5.000 collaborateurs clés à former parmi les 50.000 de l’entreprise. Ou peut-être trouveraient-ils un moyen d’automatiser cette procédure pour 50.000 dollars et économiseraient ainsi les 50.000 dollars restants ainsi disponibles pour une activité plus importante.

 

Dans l’économie capitaliste, le temps reste de l’argent. Il est donc important de reposer les bases de cette équation au sein de l’entreprise : toute tache a un coût et l’amélioration de la performance d’une entreprise passe aussi par l’optimisation de ces coûts.