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Dans l’administration, une innovation, c’est une désobéissance qui a réussi. Faut pas se faire prendre par la patrouille.

Qu’est-ce que l’intrapreneuriat, et quels sont les risques, les opportunités et les conditions de succès du « lâcher-prise » sur les initiatives individuelles dans l’entreprise? Popularisé dans les années 2000 par Google et ses fameux « 20% » du temps de travail alloué aux recherches personnelles, l’intrapreneuriat est souvent présenté comme un moteur d’innovation pour l’entreprise, une voie d’accès à de nouveaux marchés. Mais il comporte également un bénéfice proprement RH et marque employeur.

 

L’intrapreneuriat : d’où ça vient ?

L’invention du Post-it par 3M fait partie des récits fondateurs de l’intrapreneuriat. En 1968, Spencer Silver, chimiste dans les laboratoires de l’entreprise, cherchant à mettre au point une colle très adhésive, trouve exactement l’inverse : une colle qui ne colle presque pas. Ne sachant qu’en faire, mais persuadé qu’une utilité existe, il communique en interne pendant plusieurs années sur cette « solution sans problème », jusqu’à ce que son collègue Arthur Fry ait l’idée d’utiliser la substance adhésive pour fixer les marque-pages dans son livre de cantiques.
Il faudra encore quelques années pour que 3M lance le Post-it à grande échelle, en 1980, sur le papier jaune que l’on connaît – la seule couleur disponible au labo le jour du prototypage.

L’histoire a au moins 3 morales pour l’entreprise.

. D’abord, l’intrapreneuriat est un investissement à long terme. L’innovation, par nature, ne se programme pas ; on ne peut que créer les conditions (notamment RH) de son émergence.

. Pour autant, ces dernières peuvent découler de processus formalisés : quand Arthur Fry développe son projet, il le fait en accord avec la politique interne de l’entreprise, qui autorise le « bootlegging » sauvage, c’est-à-dire l’expérimentation parallèle de pistes tenues secrètes avec les moyens de l’entreprise.

. Troisièmement, l’intrapreneuriat n’est jamais aussi efficace que lorsqu’il est en cohérence avec la culture de l’entreprise. Chez 3M, la pratique remonte loin : à l’invention, dans les années 1920, du ruban adhésif par Richard Drew.

 

L’intrapreneur : 3 bénéfices RH, 3 écueils à éviter

Cette success-story à l’américaine est-elle transposable sans risques dans n’importe quelle organisation ? Naturellement non, et chaque entreprise en a sa propre approche, en fonction de sa taille, de son histoire, de sa culture.
Par ailleurs, au-delà de l’intérêt business du procédé, l’intrapreneuriat comporte de nombreuses implications RH.

Citons d’abord 3 de ses principaux bénéfices RH :

. L’engagement : laisser à des collaborateurs la liberté de développer un projet qui leur tient à cœur est un bon moyen de favoriser leur implication dans l’entreprise. Le risque de voir partir les intrapreneurs qui réussissent est réel, mais faible : il ne se concrétise que dans un peu plus d’un cas sur 10, selon Global Entrepreneurship Monitor, et même dans ces situations il n’est pas rare que l’ancien collaborateur conserve une relation privilégiée à l’entreprise.

. La reconnaissance : l’intrapreneuriat valorise la créativité des collaborateurs qui en bénéficient. La reconnaissance est d’une part symbolique, mais il reste à instaurer la meilleure façon de la traduire plus concrètement – prime, association aux bénéfices de l’activité, actionnariat… Cette pratique peut devenir ainsi un puissant levier de fidélisation des talents.

. La marque employeur : une entreprise qui permet, favorise, voire systématise l’intrapreneuriat améliore sensiblement sa réputation RH. Elle envoie le signal d’une organisation ouverte et dynamique, qui permet aux talents de s’épanouir et de se développer. En favorisant l’intrapreneuriat social, elle valorise en outre son image d’acteur de la RSE.

Les écueils à éviter sont nombreux. On en mentionnera également 3 :

. La demi-mesure : rien n’est pire que de promettre un espace de liberté pour ensuite la brider par un micro-management pointilleux et un contrôle a priori. L’intrapreneuriat doit être encadré par des règles claires, explicites, en matière de ressources et de temps alloué notamment ; après, que vogue la galère ! Le contrôle ne peut avoir lieu qu’a posteriori. L’intrapreneur rencontrera suffisamment de difficultés internes sans que son management lui en rajoute.

. La gestion de l’échec : comme l’entrepreneur, l’intrapreneur a droit à l’échec, même si cette notion n’est pas toujours bien appréhendée en France. Intraprendre, ce n’est pas simplement entreprendre, moins le risque ; le collaborateur qui s’y lance n’a pas rien à perdre, il risque sa réputation, sa crédibilité, parfois son emploi si les choses s’enveniment. Or, la possibilité de l’échec est inhérente à toute initiative audacieuse. L’intrapreneur qui échoue n’a pas failli, il a appris, et son expérience bénéficie à l’entreprise.

. La relation avec les autres collaborateurs : le statut particulier accordé à l’intrapreneur, en rupture avec les circuits, les processus et la hiérarchie ordinaires, peut susciter jalousies et incompréhension, voire désorienter les managers. La question se pose un peu différemment quand l’organisation a développé une politique systématique en la matière, et en fait un aspect de sa stratégie RH et innovation.

 

Libérer la créativité… dans un certain cadre

« Dans l’administration, une innovation, c’est une désobéissance qui a réussi. Faut pas se faire prendre par la patrouille. » Ces termes du haut fonctionnaire Jean Choussat, confiés à Hervé Sérieyx qui les rapportait dans Le Zéro Mépris en 1989, peuvent aussi bien s’appliquer dans nombre d’organisations privées. Et ils résument, d’une certaine manière, la problématique managériale à laquelle répond l’intrapreneuriat : libérer la créativité des individus dans l’organisation – soit, en somme, organiser le « chaos créateur ». Il ne faut pas croire que l’entreprise sortira forcément indemne de l’aventure ; c’est même l’une des principales vertus de la formule.

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