Senior Manager chez ConvictionsRH, Sandra Perin travaille depuis une quinzaine d'années sur l'impact des espaces de travail pour la performance du collaborateur et de l'organisation. Dans cette interview, elle revient principalement sur l'importance de la prise en compte de la culture d'entreprise dans la réussite des stratégies de changement.
Pourquoi certaines organisations peinent à devenir plus flexibles ?
Beaucoup d’entreprises et d’organisations veulent tendre vers des modes de travail plus flexibles, mais échouent en raison d’une erreur initiale d’analyse. Elles négligent l’importance de la culture interne dans les stratégies de conduite du changement. Prenez deux organisations de taille similaire et évoluant dans le même secteur d’activité. Proposez-leur des recommandations identiques en matière de réorganisation de leurs espaces de travail. Quelques mois plus tard, les résultats seront sans doute très différents pour chacune. En effet, certaines organisations sont naturellement très ouvertes et audacieuses. D’autres, au contraire, disposent d’une très forte résistance au changement. Avant toute action, il convient donc de cerner préalablement comment l’organisation se situe sur des sujets comme la confiance, le contrôle, ou l’arbitrage entre individuel et collectif.
L’ouverture ne se décrète pas…
Exactement ! Quand une organisation décide de créer des espaces plus ouverts, l’objectif est généralement de permettre aux équipes de se retrouver et de partager les informations plus facilement. Mais il ne faut pas oublier qu’au sein d’une organisation, le savoir c’est le pouvoir ! Si les managers préfèrent que les informations restent cachées de certains salariés, le changement ne s’opérera pas. Une organisation qui privilégie la compétition entre ses équipes aura ainsi du mal à se développer dans un lieu conçu pour être collaboratif. Malgré les espaces partagés, les individus vont naturellement reconstruire des nouvelles délimitations entre eux. Créer une culture du partage ne se limite pas à la suppression des cloisons de l’open space. Il faut changer d’état d’esprit.
Dès lors, comment analyser et faire évoluer la culture d’une organisation ?
Dans son numéro juin-juillet 2018, le magazine Harvard Business Review a justement publié un article consacré à ce sujet. L’auteur évoque notamment l’usage de questionnaire à destination de l’ensemble de collaborateurs d’une organisation permettant de mesurer son profil culturel. Bien évidemment, cette mesure peut également passer par des missions d’immersion, réalisées par des consultants externes. Quelle que soit la méthode retenue, il ne faut surtout pas s’en tenir au témoignage des dirigeants. Toutes les valeurs et les sensibilités d’une organisation ne sont pas forcément exprimées et affichées par le management. Pire, les directions redoutent parfois d’ouvrir les yeux sur la vérité de leur organisation. Je pense qu’il faut plutôt voir les choses positivement. Une évaluation de la culture de l’organisation peut provoquer une prise de conscience salvatrice. Elle permet de commencer à se transformer progressivement. Par exemple en recrutant des profils différents qui seront des vecteurs de changement.
La culture corporate, un sujet en devenir ?
Aujourd’hui, chez ConvictionsRH, nous n’avons pas de réponses magiques. En revanche, notre conviction est claire : les dirigeants doivent être attentifs à tous les signaux faibles qui influent sur la culture de leur organisation. Nous plaidons donc pour un certain engagement des directions et des managers en la matière. Il ne faut pas se priver d’un ingrédient clé dans la recette de la transformation ! Dans les prochains mois, nous comptons donc aider les organisations à évaluer leur culture maison. Avec pour objectif final de les accompagner dans la conception d’espaces de travail qui permettent réellement à leurs salariés de s’épanouir.
