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RH² - Les ressources humaines de la fonction RH : rencontre avec Nary Ramahandry, Délégué aux Ressources Humaines et à la Gestion chez France Bleu

Si vis pacem para bellum. Si tu veux la paix, prépare la guerre.

Pendant la crise du covid-19, les DRH se sont retrouvés sous le feu des projecteurs. Quelles mesures avaient-ils mises en place ? Comment s’étaient-ils organisés ? Quelles étaient leurs méthodes pour garder le lien avec les équipes ? Pendant presque trois mois, nous leur avons tendu le micro sur notre Radio ConvictionsRH.

Mais nous savons aussi que derrière chaque grand DRH, se cache toute une équipe : gestionnaire de paie, DSI, gestionnaire de carrière … Ces femmes et ces hommes, les opérationnels de la fonction RH qui portent et incarnent les métiers fondamentaux et emblématiques autour des RH, qui appliquent les décisions et font vivre l’entreprise. Ces individus qui sont au coeur du réacteur, nous les côtoyons au quotidien. Nous les connaissons. Nous travaillons avec eux. 

C’est pourquoi nous leur donnons la parole. Comment ont-ils fait face à la crise sanitaire ? Qu’est-ce qui a changé dans leur mission et leur profession ? Comment continuer l’ordinaire en période extraordinaire et comment envisagent-ils la suite ? Nous leur avons posé la question. 

 

Aujourd’hui, c’est Nary Ramahandry, Délégué aux Ressources Humaines et à la Gestion chez France Bleu qui nous embarque dans son quotidien. 

 

– Bonjour Nary, vous êtes délégué aux Ressources Humaines et à la Gestion chez France Bleu. Concrètement, qu’est-ce que cela veut dire ? 

Être délégué aux Ressources Humaines et à la Gestion, c’est faire en sorte que l’on ait les éléments nécessaires pour faire notre travail et surtout, savoir comment nous allons les utiliser. Concrètement mon métier c’est, avec le matériel, les hommes et les femmes ainsi que les locaux à la disposition de France Bleu, de réussir à faire le mieux possible de la radio. Cela implique donc de réfléchir à comment j’utilise et j’alloue chacune des ressources selon les besoins des différentes stations dont j’ai la charge (France Bleu fonctionnant, depuis 2016, sur un principe de territorialisation. Cela signifie que la France est “divisée” en quatre et que chaque territoire compte un certain nombre de stations dont chaque DRHG a la charge). 

Et, la radio étant ce qu’elle est, particulièrement dans le secteur public, je dois faire cela dans la limite d’un budget qui peut parfois, pour ne pas dire souvent, être un peu contraignant ! 

 

– Et comment devient-on Délégué aux Ressources Humaines et à la Gestion ? 

En ce qui me concerne, j’ai un parcours qui est très atypique puisque j’ai commencé ma carrière en tant que danseur classique ! Après être devenu professeur de danse (toujours classique), j’ai pris la décision de me réorienter et suis devenu huissier de justice. Toutefois, il me manquait encore un petit “je ne sais quoi”. J’ai alors enchaîné avec un MBA en gestion dans le but d’ouvrir ma propre étude. À la fin de mes études, j’ai été chassé par un grand laboratoire afin de faire de l’audit. J’ai fait cela pendant un an avant de rejoindre les rangs d’Air Madagascar en tant que directeur administratif et financier. À la suite d’un changement de gouvernement sur l’île qui a entraîné un changement de gouvernance au sein de la compagnie, je suis parti rejoindre les rangs de Radio France. C’était en 2003. 

Quant au lien entre danse classique et gestion ? Il existe ! C’est la rigueur à toute épreuve. 

 

– À quoi correspond la journée parfaite d’un DRHG ? 

Mon métier est, par définition, un métier de temps long. Contrairement à de nombreuses professions où quand on ferme un dossier, c’est fini et on passe à autre chose, moi je travaille de façon cyclique, avec des échéances à tenir. Donc la parfaite journée n’existe pas. Par contre le cycle parfait oui ! 

Ce “cycle parfait”, cela serait quand mon budget prévisionnel est parfaitement exécuté et se décompose comme il faut. C’est quand mon cycle RH, avec par exemple les conventions paritaires, se déroule avec souplesse. Quand j’arrive à tenir toutes les échéances facilement. Quand chaque problématique, chaque contentieux est résolu dans le temps imparti.  

 

– Comment avez-vous traversé la crise du covid-19 ? 

Personnellement, j’ai eu plus de facilité que d’autres pour traverser la crise puisque j’avais vécu, dans mon enfance et mon adolescence, des périodes de confinement ou de semi-confinement. Mais aussi parce que ma femme, qui est greffière, et moi-même nous avons continué à nous rendre sur nos lieux de travail. Rendez-vous compte, j’avais 180 mètres carrés de bureaux pour moi seul, tout le monde était en télétravail ! 

Professionnellement, ma première mission – et sans aucun doute la plus importante – a été de m’occuper des autres. Faire en sorte que chacune des stations sache que nous étions présents, à leurs côtés chaque jour et que nous faisions tout pour que la période se déroule la plus sereinement possible aux vues du contexte inédit. 

Ensuite, il fallait poursuivre la mobilisation des agents de gestion présents dans chacune des stations. Leur rôle était fondamental mais pour eux tout était bouleversé, aussi bien leur mission que leurs manières de faire ! Sur leurs épaules reposait notamment la question de l’indemnité des collaborateurs, donc leur rôle était véritablement crucial et ils en avaient parfaitement conscience. Pour moi en tant que DRHG, le but était donc de les épauler, de les soutenir, de répondre à leurs interrogations, de comprendre et d’aider les tâtonnements, inévitables en cette période. 

Si nous sommes déjà en contact étroit en temps normal, il a fallu, à ce moment-là trouver de nouveaux modes de fonctionnement. Comme beaucoup, nous avons donc instauré des réunions à distance, le lundi et le jeudi, pour bien commencer et bien finir la semaine de travail. 

Enfin, cette communication accrue, nous l’avons également mise en place avec les directeurs de chacune de nos stations. Cela était particulièrement important car, quand bien même nous n’avons pas de liens hiérarchiques, nous avons une mission de conseil et d’accompagnement qui prenait tout son sens en cette période. 

 

– En quoi votre profession et vos missions ont-elles, ou non, été bouleversées par la crise sanitaire ?

Nous avons dû apprendre à travailler dans l’urgence et dans le brouillard. 

Par exemple, nous avons commencé avec mon collaborateur spécialiste des questions budgétaires, notre “tour” annuel des radios afin de commencer les prévisions d’exécution et amorcer le prévisionnel. Nous avons fait cela alors que notre budget prévisionnel n’était pas encore prêt ! Nous avons un métier qui oblige à penser long terme. Pourtant, il est difficile de se projeter, et surtout, notre fonction ne tolère pas l’à-peu-près. 

De même, nous travaillons dans l’urgence. Tout le monde à des questions et chacun attend une réponse complète dans la minute. On est donc particulièrement sollicités et nous devons en plus de cela, “tenir le fort”, faire un sorte de continuer le “régulier”, l’ordinaire en plus de devoir gérer l’extraordinaire. J’ai parfois l’impression de tirer un peu partout et j’espère simplement qu’il n’y aura aucune balle perdue ! 

Nous avons été sur la brèche 24 heures sur 24 pendant le confinement et nous continuons encore à l’être. Beaucoup de mes collègues n’ont pas eu de “sas de décompression”, pas de vacances et ont enchaîné. Laure Closier l’explique très bien dans son émission sur BFM

 

– Quels enseignements avez-vous pu tirer de la crise ? 

Il est encore un peu tôt pour pouvoir pleinement tirer des enseignements de cette période. Ce n’est que le début ! Néanmoins, le confinement a tout de même eu un effet extraordinaire : il a permis de révéler le caractère et la nature des gens. 

J’ai été particulièrement impressionné par certains des agents de gestion qui se sont révélés. 

Le deuxième enseignement que je tire tout de même de cette période, c’est que, malgré toute la bonne volonté du monde, le télétravail ne se substitue pas au travail en présentiel. Aussi bien en terme social – trop de visio, tue la visio ! – que de la maîtrise des différents sujets. C’est simple,  si vous n’avez pas vos dossiers sous les yeux, vos papiers devant vous, que vous ne savez plus, par exemple, comment ni à quelle fréquence vous payez la presse quotidienne régionale, il est bien plus difficile de retrouver l’information et donc de la faire remonter ! Et nous sommes bien loin d’avoir tous nos dossiers sur le cloud ! 

 

– Votre fonction de délégué aux Ressources Humaines et à la Gestion est donc un métier où il faut avoir une vision long-terme, ou en tout cas moyen terme – comment faites vous pour vous organiser malgré tout ? 

Si vis pacem para bellum. Si tu veux la paix, prépare la guerre. Voilà mon motto. Donc je continue à communiquer avec mes équipes, à motiver et à mobiliser mes agents de gestion. La ressource humaine, c’est la véritable valeur de l’entreprise et actuellement, elle est secouée. Elle n’a pas ou peu de visibilité sur la suite. J’essaie donc au maximum d’être là pour elle. 

En dehors des considérations humaines, il y a également une vraie question de gestion qui se pose et qui est liée aux effectifs. Dans l’une des radios dont j’ai la charge, sur trente personnes, 8 sont soit contaminées, soit ont été en contact avec un porteur du Covid-19. C’est presque un tiers des effectifs de cette station ! Cela signifie que je dois trouver de la ressource (des CDD en l’occurrence) afin de pouvoir continuer l’activité. Or, si cela se produit sur d’autres stations, nous allons vite manquer de ressources. Concrètement, nous serons obligés de déshabiller Paul pour habiller Pierre. Sur le long terme, il nous faudra trouver d’autres solutions, de nouveaux modes de fonctionnement plus viables. 

2020 ne sera clairement pas une année facile et j’ai peur que 2021 ne le soit guère non plus… 

 

– Que pouvons-nous vous souhaiter pour cette rentrée 2020 ? 

Que l’on revienne à un mode de fonctionnement plus stabilisé ! Que progressivement, nous puissions travailler de manière plus calme, moins dans l’urgence. Que l’on reprenne notre rôle de gestionnaire et que l’on raccroche celui de pompier-ambulancier ! 

Faire aussi bien que l’on a pu faire en fait. Rien de plus, rien de moins. Ça me semble déjà pas mal non ? 

 

ConvictionsRH est fier de pouvoir accompagner Radio France dans la mise en place de son nouveau SIRH, Sirius.  Un grand merci à Yael Malka, associée pour la mise en relation et à Nary Ramahandry pour son temps et ses réponses.