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Dans les années à venir, il se pourrait que les évaluations individuelles soient progressivement dominées par les évaluations collectives.

Si son adéquation avec les besoins des salariés pose parfois question, l’évaluation du collaborateur revêt pourtant une importance capitale dans le contexte hyper-concurrentiel actuel. Pour gagner en performance, les entreprises n’ont d’autre choix que de miser sur des modes d’évaluation clairs et modernes, répondant aux nouvelles attentes des collaborateurs. Quelles sont les solutions pour en faire un véritable levier d’engagement ? Michel Barabel, maître de conférences à l’université Paris-Est et professeur affilié à Sciences Po, apporte son éclairage sur les grandes tendances de l’évaluation et ses perspectives futures.

 

Quelles ont été les principales évolutions de l’évaluation collaborateur, ces dernières années ?

En ce qui concerne l’évolution des pratiques d’évaluation en entreprise, trois tendances majeures se dessinent. La première réside dans la montée en puissance des évaluations collectives, un mode de fonctionnement où les collaborateurs sont évalués en équipe. Ce processus est souvent piloté par le responsable hiérarchique direct (N+1), qui porte la charge de l’évaluation. Pourtant, cette tendance à l’évaluation collective reste pour le moment en marge. Les évaluations individuelles entre un collaborateur et son N+1 demeurent prédominantes et se concentrent généralement sur les performances individuelles.

Une seconde évolution notable se manifeste à travers une diversification des thématiques abordées lors des évaluations. Si elles se concentraient principalement sur les résultats mesurables, les évaluations intègrent désormais équitablement les compétences comportementales et la progression professionnelle. Cela englobe la manière dont les collaborateurs ont développé leurs compétences pour atteindre leurs objectifs.

Une troisième tendance concerne l’intégration croissante de critères RSE (responsabilité sociale des entreprises). Tout en accordant de l’importance aux objectifs financiers, il est désormais courant d’évaluer la contribution d’un collaborateur à l’organisation dans son ensemble, ainsi que son engagement dans des actions à impact positif sur les compétences relationnelles et éthiques. Cela redéfinit les contours d’une performance réussie.

 

Quelles sont les nouvelles attentes des collaborateurs en matière d’évaluation de la performance au sein de l’entreprise ?

L’une des évolutions majeures concerne une demande croissante d’hyper-transparence. Par le passé, les politiques d’évaluation pouvaient s’avérer opaques avec des comités de carrière impliquant les décideurs RH, sans consulter les collaborateurs. De nos jours, une tendance émerge : celle des individus qui aspirent à une compréhension approfondie des méthodes et des approches employées pour évaluer leur performance. Cette recherche de transparence s’accompagne d’une quête d’objectifs clairs et partagés au maximum.

Une seconde attente fondamentale concerne la mise à disposition de moyens adéquats. Les collaborateurs espèrent que l’organisation leur fournisse les ressources nécessaires pour mener à bien leurs missions. Au-delà des objectifs et des retours d’information, ils souhaitent avoir à leur portée les outils et les informations essentiels à la réussite de leurs tâches. Ceci passe également par la réduction des écarts entre les défis à relever et les ressources allouées, en prenant en compte le contexte dans lequel chaque collaborateur évolue.

 

Quelles sont les éventuelles limites de l’évaluation collaborateur, aujourd’hui ?

Naviguer dans ce domaine n’est pas sans complexité, car malgré toute la rigueur appliquée, une part de subjectivité reste présente. Celle-ci se manifeste tant dans l’évaluation des performances que dans les appréciations fournies. Avec la généralisation du télétravail et la mise en place des objectifs et résultats clés (OKR), il devient plus difficile de s’appuyer sur des éléments visibles et concrets du travail. Cela rend l’évaluation moins simple à mesurer car elle inclut des aspects moins tangibles.

Une autre limite réside dans la possibilité d’une surabondance d’évaluations et de retours d’informations. Il est reconnu que trop de feedbacks peut parfois éroder l’efficacité du feedback lui-même. Nous pouvons prendre l’exemple d’Amazon où l’omniprésence des feedbacks et des objectifs tout au long de la journée a engendré des tensions et des niveaux de stress élevés chez les collaborateurs. Trouver le juste équilibre de fréquence pour que les feedbacks demeurent utiles sans alourdir la vie des collaborateurs est donc primordial, afin d’éviter un emballement contre-productif.

 

Comment la fonction RH doit-elle procéder pour faire de l’évaluation collaborateur un levier d’engagement ?

Je pense qu’il est essentiel que l’évaluation ne soit pas perçue comme un simple outil RH. Cette affirmation s’appuie sur de nombreuses études internationales qui le confirment depuis près de deux décennies. Lorsque les employés ou les managers ont le sentiment que les évaluations sont effectuées pour collecter des données destinées à alimenter les décisions RH relatives aux carrières, aux promotions ou à la gestion des talents, cela peut engendrer des problèmes de confiance envers la direction et une certaine méfiance. Par conséquent, la fonction RH doit s’abstenir d’utiliser l’évaluation de cette manière. En revanche, elle peut veiller à trouver des moyens de collecter des informations sans que cela n’évoque aux collaborateurs et aux managers que ces données détermineront leurs trajectoires professionnelles.

Ensuite, il est essentiel que la fonction RH veille à rendre les formulaires et les processus aussi fluides et attrayants que possible, dans le but de susciter l’envie chez les collaborateurs de participer. Trouver une manière d’aborder cet exercice pour qu’il soit accompli avec enthousiasme représente un défi majeur dans la gestion de la performance, car les employés ont souvent le sentiment que cet aspect n’est pas traité avec la justesse nécessaire. Il ne doit pas s’agir d’un processus centré sur les RH, générant une expérience médiocre pour les clients internes que sont les managers et les collaborateurs. La fonction RH doit pouvoir compter sur un outil qui répond véritablement aux besoins et aux préoccupations des managers et des collaborateurs.

 

Comment l’évaluation de la performance contribue t-elle au développement du collaborateur ?

Cette contribution n’est pas toujours systématique. Souvent, les moments d’évaluation sont perçus comme des opportunités pour la croissance professionnelle. Cependant, tout objectif de progression se base sur des performances préalables. En d’autres termes, la montée en compétence d’un salarié est conditionnée par ses résultats obtenus, ce qui se traduit par la mise en place d’objectifs qui peuvent s’articuler autour du mentorat, de co-développement ou d’autres formes de soutien. Ce processus vise à améliorer les compétences et à favoriser la croissance continue du collaborateur.

 

A quelles innovations doit-on s’attendre sur le sujet dans les années à venir ?

J’estime que nous sommes à l’aube d’une ère où l’éclairage des données, au travers d’outils fournissant une riche source d’informations, prendra une place centrale. Cependant, il est impératif d’éviter de sombrer dans un micromanagement ressemblant à un taylorisme 3.0, c’est-à-dire excessivement contrôlé et surveillé. Une perspective possible réside dans la généralisation de l’évaluation collective. Il se pourrait que les évaluations individuelles soient progressivement dominées par les évaluations collectives. Les machines seraient alors capables d’analyser diverses données pour isoler la contribution individuelle, l’expliquer et l’éclairer, tandis que des initiatives collectives aboutiraient à des réalisations évaluées de manière conjointe.

 

 

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