L'implication des collaborateurs dans les initiatives de responsabilité sociétale des entreprises (RSE) est devenue une priorité stratégique pour les organisations conscientes de leur influence sur la société et l'environnement. Cette démarche requiert une transformation profonde, tant dans la culture d'entreprise que dans les comportements individuels. Dans ce contexte, le grand enjeu pour les organisations est de se diriger vers un avenir durable sans compromettre leur efficacité sociale et économique. Cécile Vaesen, experte en innovation sociétale et dans l’accompagnement de la transformation responsable, nous livre son point de vue sur les tendances actuelles en matière de RSE. Elle expose les multiples complexités auxquelles font face les entreprises et avance des stratégies pour faciliter cette évolution, vers un modèle à la fois performant et durable.
Aujourd’hui, le sujet de la responsabilité sociétale des entreprises (RSE) est plus que jamais d’actualité. Quel est le contexte et quels sont les principaux objectifs d’une telle démarche ?
Tout d’abord, rappelons que la mise en place d’une politique de RSE est une démarche volontaire et relativement récente puisque celle-ci a commencé à se structurer en 2010 avec l’apparition de la norme ISO 26 000. Cette norme sert de référentiel international pour les démarches RSE et marque le début d’une histoire encore jeune, ce qui explique les nombreuses expérimentations dans ce domaine. Elle se distingue par son absence d’association à un système de certification. L’idée de ses concepteurs était de promouvoir l’innovation et l’adaptabilité selon le contexte propre à chaque entreprise, plutôt que de figer les pratiques dans un modèle unique.
L’objectif principal de la RSE est de favoriser un impact sociétal positif, tout en créant de la valeur et des emplois, et en réduisant les effets négatifs des opérations commerciales, notamment en matière environnementale. Elle vise à promouvoir le respect de l’environnement et à assurer la rentabilité, en s’appuyant sur trois piliers clés : économique, environnemental et sociétal. Ces trois aspects doivent être équilibrés : la génération de valeur économique doit tenir compte des répercussions environnementales et sociales, tout en préservant sa propre santé financière.
Quels sont les défis majeurs auxquels les professionnels RH sont confrontés lorsqu’ils contribuent à la mise en place d’une politique RSE ?
Lorsqu’une entreprise confie la gestion de sa politique RSE à la direction RH, cela pose plusieurs défis de taille. Les professionnels RH doivent adopter une vision globale de l’organisation et interagir efficacement avec différents métiers et parties prenantes. Cette extension de rôle peut s’avérer inadaptée, car elle les amène souvent à opérer en dehors de leur champ de compétence traditionnel, qui ne s’étend généralement pas à des domaines comme les achats responsables ou la gestion des déchets.
Si la politique RSE est dirigée par une autre entité que le département RH, le rôle de ces derniers se concentre sur des aspects qu’ils maîtrisent déjà, comme la gouvernance organisationnelle, le respect des droits humains et les conditions de travail. Ces domaines sont essentiels pour la gestion des risques et l’image de marque de l’employeur. Les professionnels RH peuvent également jouer un rôle de soutien en formant les collaborateurs et en utilisant leurs réseaux de communication interne, en particulier lorsque celle-ci est intégrée à leur service.
Comment la fonction RH peut-elle mobiliser activement managers et collaborateurs pour contribuer à la mise en œuvre d’une politique RSE efficace et pérenne ?
Pour une mise en œuvre réussie, les professionnels RH doivent pouvoir mobiliser les managers et collaborateurs. Pour cela, il est indispensable qu’ils comprennent et maîtrisent pleinement les enjeux de la RSE afin de pouvoir les communiquer efficacement au sein de l’entreprise. Cette communication nécessite des compétences en organisation d’ateliers et dans la mise en place d’actions qui encouragent la participation active.
Le principal défi pour la fonction RH réside dans l’engagement des équipes de terrain. Ces dernières, souvent concentrées sur leurs objectifs quotidiens, peuvent percevoir la RSE comme une contrainte supplémentaire, pouvant entraver leurs missions habituelles. Cela peut engendrer des tensions et, à terme, un désengagement progressif. Afin d’éviter cela, la DRH peut sensibiliser les cadres dirigeants dès le début de la mise en œuvre de la politique RSE. L’objectif est de s’assurer qu’elle ne devienne pas une tâche secondaire lors de surcharge de travail.
La stratégie RSE doit être portée et communiquée régulièrement par la direction pour faciliter son adoption à tous les niveaux de l’organisation. Je préconise d’appliquer une démarche top-down où la direction soit capable de transmettre sa conviction de l’importance et des bénéfices de la RSE, notamment pour renforcer la marque employeur. Les professionnels RH ont pour mission de convaincre la direction et d’organiser des communications régulières pour impliquer les managers intermédiaires. Ces derniers doivent ensuite appliquer et promouvoir les principes de la RSE auprès de leurs équipes et selon les spécificités de leurs métiers.
Quelles sont les solutions possibles pour soutenir notamment la fonction RH dans son plan de conduite du changement ?
L’intégration de la RSE dans une organisation marque un véritable changement d’état d’esprit, qui nécessite souvent une transformation des visions, des habitudes et des valeurs préétablies. Il s’agit d’incarner l’exemplarité, un défi complexe pour les membres internes d’une entreprise, puisque cela requiert de remettre en question l’environnement dans lequel ils évoluent eux-mêmes.
Dans cette optique, l’accompagnement par des intervenants externes me semble incontournable au démarrage du processus. Ces experts apportent un regard neuf et objectif qui permet d’établir des objectifs clairs, d’identifier et d’analyser les obstacles internes, et de développer des stratégies adaptées pour les surmonter. Leur indépendance vis-à-vis de la culture et des dynamiques propres à l’entreprise est un atout majeur. Elle leur permet d’offrir des recommandations impartiales et innovantes. En tant que parties tierces, ils possèdent une légitimité pour conseiller des ajustements dans les pratiques, les comportements et la culture d’entreprise.
Comment envisagez-vous l’avenir de la politique RSE au sein des entreprises ?
L’avenir de la RSE dans les entreprises semble être à la croisée des chemins. Initialement envisagée comme une démarche d’innovation volontaire, la RSE est de plus en plus encadrée par des réglementations nationales et européennes. Ces évolutions réglementaires ont conduit à une augmentation des exigences en matière de communication et de transparence, en transformant souvent la RSE en une série d’activités centrées sur le reporting, comme le remplissage de formulaires ESG (Environnement, Social, Gouvernance). Malgré cette évolution, la RSE conserve un fort potentiel stratégique, non seulement pour renforcer la marque employeur, mais aussi pour assurer la durabilité et la pérennité des entreprises.
Dans ce contexte, la fonction RH devra trouver des moyens pour engager les nouvelles générations et accompagner les changements professionnels. Cela implique de repenser les méthodes de recrutement pour une plus grande inclusion, d’équilibrer la vie professionnelle et personnelle, et d’enrichir l’engagement des collaborateurs à travers des expériences telles que le micro-volontariat ou le mécénat de compétences.