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Les DRH territoriales doivent identifier et activer des leviers – au-delà de la rémunération – et esquisser une nouvelle expérience agent : ancrée dans l’ADN de la collectivité, prenant en compte les attentes et besoins des agents et respectueuse des marges de manœuvre – contraintes – de l’employeur territorial. 

Les décideurs territoriaux évoluent aujourd’hui au centre d’un paradoxe avec d’un côté, la contraction des budgets et des dotations impliquant une gestion plus frugale et plus sobre des ressources financières et, de l’autre, des attentes grandissantes des usagers pour un service public personnalisé, digitalisé et performant. Ce paradoxe appelle à un ajustement, plus ou moins profond, du positionnement de la fonction RH et un passage d’un rôle de gestionnaire des ressources humaines à un rôle de visionnaire et de partenaire de la mise en œuvre des politiques de territoire. Retour sur les différents chantiers des directions RH territoriales et sur les actions prioritaires à mener pour proposer une expérience agent renouvelée... 

 

Des chantiers RH d’envergure, engagés avec succès  

Si la modernisation des directions RH territoriales est une dynamique en cours que l’on observe dans la grande majorité des collectivités, certains chantiers ont été engagés avec des actions concrètes pour renforcer l’accompagnement des carrières, des conditions de travail et plus globalement du quotidien des agents. Les travaux menés sur le RIFSEEP* ont, par exemple, permis la refonte du régime indemnitaire pour une meilleure lisibilité de la composition des primes et indemnités, une équité renforcée (par la mise en place des groupes de fonctions cohérents) et l’introduction – bien qu’encore timide – de la notion de performance individuelle en prévoyant la rétribution, via le Complément Indemnitaire Annuel, de l’engagement professionnel de l’agent et sa manière de servir. Autre exemple de chantier emblématique récemment mis en place sur les dernières années dans les collectivités : la refonte du temps de travail avec la mise en place des 1607 heures par an, pour mettre fin notamment à une trop grande disparité dans les collectivités territoriales, entre les collectivités et entre les agents de l’Etat et les agents territoriaux.   

D’autres évolutions majeures portées par les DRH territoriales ont également été conduites, comme la montée en puissance de la prévention des RPS (risques psychosociaux) et du bien-être au travail, accélérée par la crise sanitaire de 2020 et ses incidences – durables – sur les modes de travail et le rapport au travail. La digitalisation des processus RH, avec l’adoption de solutions SIRH permettant d’automatiser, optimiser l’action RH et offrir à l’agent comme à l’encadrant une expérience repensée, notamment sur l’évaluation, le développement des compétences etc. La transformation digitale de la fonction RH publique, qui prend de plus en plus de place dans les préoccupations des DRH, confirme ses effets positifs sur le temps l’efficacité des équipes RH, en ce qu’elle leur permet de se défaire d’une gestion administrative papier à valeur ajoutée limitée et de se concentrer sur l’accompagnement des encadrants et des agents au quotidien et sur l’exploration de nouveaux terrains et projets.

 

L’attractivité, un enjeu majeur qui reste à satisfaire 

En plus de ces nombreux chantiers menés de front, les décideurs territoriaux doivent faire face à un autre défi majeur : celui de la “guerre des talents”. Les collectivités territoriales connaissent en effet de fortes difficultés pour attirer et fidéliser les agents. En cause, d’une part, une rémunération peu attrayante avec des revalorisations trop rares et un point d’indice longtemps gelé et de l’autre, des métiers incontournables pour la vie des collectivités (entretien d’espaces publics et de voiries, accompagnement socio-éducatif, prévention et la sécurité des publics et des équipements, etc.)  mais caractérisés par un niveau de pénibilité important. Par ailleurs, les projets de territoire et leur déclinaison en projets d’administration étant de plus en plus ambitieux, au regard des défis sociétaux – la transition écologique en tête - et les attentes grandissantes des citoyens appellent les collectivités à constituer et renforcer les équipes pour porter et animer ses projets. En réponse à ce défi décisif pour la réussite des politiques publiques à l’échelle des territoires, la fonction RH doit donc identifier et activer des leviers – au-delà de la rémunération – et esquisser une nouvelle expérience agent : ancrée dans l’ADN de la collectivité, prenant en compte les attentes et besoins des agents et respectueuse des marges de manœuvre – contraintes – de l’employeur territorial.  

 

Des chantiers à consolider et d’autres à initier pour renouveler l’expérience agent 

Si plusieurs dispositifs et initiatives ont été engagées et produisent aujourd’hui leurs premiers résultats, les directions RH dans les collectivités doivent désormais consolider et fortifier ces réalisations notamment sur la politique de rémunération, le temps de travail, la QVT. Pour autant, l’effort d’accélération attendu sur ces sujets ne doit pas occulter les nouveaux terrains, insuffisamment explorés aujourd’hui, comme l’anticipation et la mise en œuvre de réponses efficaces à l’usure professionnelle et la gestion des secondes parties de carrière. Se profile donc pour les DRH une double cadence à maîtriser, avec en filigrane la nécessité de proposer une promesse de valeur véritablement différenciante et une expérience agent individualisée.  

 

Monter en puissance sur les travaux déjà engagés 

Sur la politique de rémunération, le RIFSEEP étant désormais en vigueur dans (quasiment) toutes les collectivités, l’heure est déjà au bilan – pour d’une part comprendre le niveau d’appropriation de ce dispositif par ses bénéficiaires, les agents, et ses porteurs, les gestionnaires RH. D’autres part, ce temps de bilan est nécessaire pour appréhender le niveau d’implication des managers dans sa mise en œuvre pour pouvoir engager « l’acte 2 » du RIFSEEP, en investissant davantage le CIA (complément indemnitaire annuel), dont d’aucuns constate une mise en place encore trop timide dans les collectivités. En effet, le CIA permet de reconnaître spécifiquement, et comme son nom l’indique, de manière individuelle, l’engagement professionnel et la manière de servir de l’agent. Il nécessite donc la réunion de deux ingrédients : le premier est la définition d’un processus d’évaluation robuste – via l’entretien professionnel notamment, mais aussi la mise en place d’un “ rituel” d’évaluation en continu – et le second est la bonne appropriation des managers de leur rôle dans ce processus. L’évaluation, dans sa conception actuelle, est un exercice relativement récent dans la fonction publique, il est important donc pour les DRH territoriales d’accompagner les managers évaluateurs pour les soutenir dans leur prise en main de l’évaluation, ses mécanismes, ses enjeux et les pratiques pour conduire cette évaluation tout au long de l’année, définir des objectifs réalistes et mesurables et acter leur réalisation par l’attribution du CIA.  

Sur le temps de travail, il s’agira d’apporter simplification et cohérence aux régimes de temps de travail, en prenant davantage en compte les spécificités de certains métiers sans retomber dans un écueil trop longtemps subi, celui de la sur-personnalisation des cycles. Le télétravail mérite également une première phase de bilan, pour évaluer l’efficacité des dispositifs mis en place et leur adéquation avec les besoins des agents et des équipes et surtout apprécier le rôle du manager dans le pilotage du télétravail au quotidien. Par ailleurs, la refonte du temps de travail (via la mise en place des 1607h) et les discussions qui ont été menées notamment avec les organisations syndicales dans ce cadre pourront servir d’appui pour questionner de nouveaux leviers d’amélioration de la qualité de vie au travail : équilibre des temps de vie professionnelle et personnelle avec la semaine de 4 jours qui émerge de plus en plus comme un outil à expérimenter, aménagements ad hoc pour les agents exerçant des métiers à fort niveau de pénibilité et des agents seniors, instauration de congés menstruels à l’instar de la Ville de Saint-Ouen, pionnière parmi les collectivités territoriales en la matière.  

Sur l’action sociale servie aux agents, équivalent des œuvres sociales pour les entreprises dotées d’un CSE, une réflexion de fond mériterait d’être menée sur ce sujet pour réinterroger l’offre de prestations actuelle – pour comprendre les besoins et attentes des agents –  et d’actualiser le catalogue avec des prestations nouvelles pour accompagner efficacement l’agent et sa famille face aux défis du quotidien : transition écologique (rénovation de logement, aide en cas de précarité énergétique, subvention de la mobilité douce), pratique sportive et accès à la culture, solidarités et évènements de vie, ou encore aide pour le départ en vacances, etc. Au-delà de l’intérêt économique de l’action sociale pour son bénéficiaire, celle-ci place les collectivités territoriales au cœur de leur mission d’employeur public pour accompagner l’agent dans sa trajectoire professionnelle et personnelle. 

 

Accompagner les secondes parties de carrière et prévenir l’usure professionnelle 

Préoccupation grandissante des décideurs territoriaux, l’usure professionnelle – qu’il faut décorréler de l’âge de l’agent – est un chantier complexe mais incontournable pour les collectivités territoriales qui concentre beaucoup de métiers à forte pénibilité, et représente une réalité vécue par un grand nombre d’agents territoriaux. 

Dans un contexte d’allongement de la vie professionnelle et de vieillissement de la pyramide des âges dans les collectivités, accompagner les secondes parties de carrière et l’usure professionnelle en général – celle-ci ne concernant pas seulement les agents seniors – nécessite de mobiliser et articuler plusieurs processus RH au service d’un objectif unique : détecter l’usure professionnelle, anticiper sa survenance, apporter une réponse à la fois préventive et corrective et un accompagnement efficace à l’agent.  

Ainsi, plusieurs « lignes de front » sont à former : d’abord, la Gestion des Emplois et des Parcours Professionnels (GEPP) et les démarches de prospective métiers doivent apporter un éclairage précis croisant évolution démographique des effectifs et évolution des métiers.  

Dans la même logique préventive, l’identification des métiers concernés par l’usure professionnelle par le tandem RH / encadrants est une étape incontournable pour mieux cibler la prévention et la prise en charge de l’usure professionnelle et facteurs de pénibilité : les éducateurs sportifs, les ATSEM, les cuisiniers / aides en cuisine dans les établissements scolaires et les agents de maintenance et d’entretien – pour ne citer que ces exemples – sont des métiers particulièrement exposés. Pour détecter l’usure, deux sources d’indices sont à explorer : d’abord les données structurelles (Document unique d’évaluation des risques. Les diagnostics RPS si conduits, l’organigramme de la collectivité, etc.), ensuite les données conjoncturelles comme les avis de la médecine du travail, les déclarations d’inaptitude, le taux d’absentéisme et d’AT/MP, etc.  

Ce travail d’identification doit par la suite donner lieu à un effort d’adaptation et d’investissement de la part de la collectivité – sur les équipements et matériel – pour amoindrir au possible les facteurs de pénibilité et éloigner la survenance de l’usure. Investir dans des actions intensives de sensibilisation des agents et de leurs encadrants aux gestes et postures. Par ailleurs, le rôle du manager est capital dans la lutte contre l’usure professionnelle et doit être au premier plan du dispositif de détection et traitement des cas d’usure en menant, par exemple, des temps d’échange individuels avec les agents de son équipe pour identifier et qualifier les signes d’alerte, et en échangeant – notamment lors de l’entretien professionnel – sur les souhaits et perspective d’évolution de l’agent et sur les éventuels savoir-faire « dormants » car non mobilisés et qui pourraient servir la transition vers un nouveau métier dans le cadre d’une seconde partie de carrière.  

Dans le cas où l’usure est avérée et qu’elle emporte un arrêt de travail de l’agent, le même tandem fonction RH – manager devra préparer le retour du travailleur en définissant un parcours de retour à l’emploi. Celui-ci ne doit pas se limiter, comme cela est souvent constaté, à une affectation à des activités d’archivage et de classement ou d’accueil. Il s’agit plutôt d’inscrire l’agent dans une trajectoire d’apprentissage d’un nouveau métier pour préparer une reconversion alimentée par l’ensemble des éléments recueillis en phase de prévention et respectueuse à la fois des attentes et aspirations de l’agent et des besoins en emplois et en effectifs de la collectivité. Les collectivités gagneraient par ailleurs à engager des réflexions communes sur ce sujet, de manière à constituer un vivier commun et mutualisé d’opportunités de « seconde carrière » pour les agents concernés. 

Les leviers sont nombreux et les dispositifs à mettre en place sont variés, mais pour apporter une réponse pérenne à l’enjeu majeur de l’usure professionnelle, une approche individualisée apparaît comme un incontournable pour apporter le bon niveau d’accompagnement dans cet épisode – par nature éprouvant – pour l’agent.  

 

En définitive, cette nouvelle expérience à dessiner s’apparente à un « bouquet de services » prenant appui sur l’existant et l’améliorant, au bénéfice de l’agent, et donc de la collectivité et des usagers. Si cette modernisation de la DRH territoriale est déjà bien engagée, l’enjeu majeur reste de maintenir un niveau de cohérence et de lisibilité optimal pour l’ensemble des initiatives tout en évitant de complexifier le quotidien de celles et ceux qui œuvrent au quotidien dans les services RH pour les mettre en musique. Sur l’ensemble de ces dispositifs, ConvictionsRH peut accompagner vos réflexions et vos projets.  

 

*RIFSEEP : régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l’expertise et de l’engagement professionnel 

 

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