IA et Recrutement, un juste équilibre entre performance, éthique et sensibilité humaine 

« Le vrai enjeu est de savoir comment le recruteur saura rester le pilote éclairé de l’IA. »

Anais

Senior Manager

Cécile

Consultante Senior

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Alors que la compétition pour les meilleurs profils s’intensifie et que les recruteurs recherchent des moyens efficaces, rapides et équitables de traiter les candidatures, l’intégration de l’Intelligence Artificielle se fait une place de plus en plus importante pour les aider à optimiser les étapes du processus de recrutement. En effet ces solutions permettent de réaliser des tris automatisés de CV, d’analyser les compétences pour faciliter la sélection des candidats, mais aussi de proposer des recommandations contextuelles pour renforcer l’attractivité des postes ou encore de personnaliser les échanges avec les candidats.  

Toutefois, ces technologies posent de nouveaux impératifs : garantir l’équité des algorithmes, protéger les données personnelles et se conformer aux exigences légales du RGPD (Règlement Général sur la Protection des Données) et de l’EU AI Act* 1(Règlement européen sur l’intelligence artificielle). 

Cet article décrypte les tendances majeures et propose les bonnes pratiques pour exploiter pleinement le potentiel des outils de recrutement intelligents tout en préservant une approche éthique et humaine. 

Quelles sont les applications concrètes de l’IA dans les activités de recrutement ?

Selon Matthieu Esteve, l’IA se déploie dans les ressources humaines depuis la fin des années 2010. Parmi les différentes technologies d’IA on parle beaucoup aujourd’hui d’IA générative, principalement utilisée pour simplifier des tâches comme la rédaction d’offres d’emploi, la rédaction de posts d’approche sur les réseaux sociaux, la préparation de questions spécifiques au poste pour les entretiens, l’aide à la rédaction de mails de retours suite à des candidatures, etc.  

On retrouve ainsi des outils spécifiques ou des fonctionnalités directement intégrées dans les ATS qui permettent aux recruteurs de mieux qualifier les candidatures, gagner du temps sur les tâches répétitives et garantir une meilleure expérience candidat.  

Parmi les solutions proposées on retrouve un large spectre d’applications – plus ou moins répandues :  

  • Le tri et l’analyse automatisée des CV (parsing) basé sur les compétences et expériences (critères importants pour éviter notamment des biais liés à l’âge au genre ou à l’origine)  
  • L’analyse de réponses vidéo des candidats (contenu verbal, ton de la voix, langage corporel, voire émotions) 
  • Le chatbot conversationnel posant des questions de présélection aux candidats et répondant à leurs questions sur le poste permettant ainsi de préfiltrer les candidats et d’améliorer l’expérience candidat  
  • L’aide à la rédaction sous toutes ses formes : offres de postes, réponses apportées aux candidats, posts sur les réseaux sociaux professionnels 
  • L’analyse de données historiques pour identifier les meilleurs canaux où diffuser des offres selon les postes et la période la plus appropriée  
  • L’analyse de la performance des annonces et des recommandations de modifications à apporter  
  • La planification des relances et entretiens (en fonction des plannings)  
  • La création de contenus dynamiques adaptés aux préférences des candidats, etc. 

L’IA appliquée au recrutement présente des risques, quels sont les enjeux ?

L’IA présente des capacités presque infinies d’optimisation et de simplification et présente ainsi plusieurs risques dont les entreprises et utilisateurs doivent se prémunir.  

Risques de biais et de discrimination

L’un des principaux enjeux de l’IA appliqué aux outils de recrutement réside dans le renforcement potentiel des biais. Lorsque les algorithmes sont entraînés sur des données historiques biaisées, ils peuvent reproduire et renforcer ces discriminations. Il est donc essentiel de : 

Auditer fréquemment les critères et règles de présélection mis en œuvre par l’IA 

Pour les RH, cela signifie mettre en place des contrôles réguliers des algorithmes utilisés dans le recrutement pour s’assurer que les règles de présélection ne reproduisent pas des biais liés au genre, à l’âge, à l’origine ou au parcours académique (par exemple, les filtres de CV ou outils de matching de compétences). 

Enrichir les jeux de données d’entraînement avec des sources variées et représentatives 

Pour les RH, il s’agit de collaborer avec les équipes techniques pour fournir des données reflétant la diversité réelle du marché du travail et des talents (par exemple : inclure des profils issus de parcours non traditionnels, valoriser les reconversions professionnelles, ou encore intégrer des CV provenant de différentes régions et origines). 

Instaurer une validation humaine systématique pour toute décision générée par l’IA 

Pour les RH, cela signifie que l’IA doit rester un outil d’aide à la décision, et non un substitut au jugement humain (par exemple : un recruteur valide toujours la sélection finale des candidats, même si l’IA propose un classement ou une présélection). 

Un enjeu de transparence

L’EU AI Act impose d’accroître la transparence des systèmes d’IA : les candidats doivent être informés de leur utilisation dans le processus de recrutement et de l’influence qu’ils exercent sur les décisions de l’employeur.  

Pour les RH, l’information faite auprès des candidats doit être claire et veiller à ce que chaque candidat soit explicitement informé lorsqu’un outil d’IA intervient dans son processus de recrutement (ex. tri de CV, tests en ligne, scoring). Cette information doit préciser le rôle exact de l’IA : est-elle un outil de présélection, de recommandation ou de décision ? 

Les RH doivent également garantir qu’un candidat dispose d’un recours clair et humain en cas de contestation ou d’incompréhension d’une décision automatisée. Cela suppose de conserver un rôle décisionnel fort du recruteur, qui reste l’ultime garant de l’équité et de la pertinence des choix. 

Risque d’uniformisation des profils

Avec l’essor des outils d’intelligence artificielle dans le recrutement, un risque majeur émerge : l’uniformisation des profils. Les algorithmes, souvent nourris de données historiques, ont tendance à reproduire les modèles du passé. Résultat : ils favorisent certains parcours “types” et écartent les profils atypiques. 

Pour Les RH, il existe plusieurs risques associés et notamment 

  • Perte de diversité : les mêmes écoles, les mêmes parcours professionnels reviennent systématiquement. Or, la diversité est un levier d’innovation et de performance. 
  • Frein à l’innovation : en privilégiant la conformité, l’entreprise se prive de talents capables de penser différemment et d’apporter un regard neuf. 
  • Risque juridique : un algorithme qui écarte systématiquement certains profils peut être assimilé à de la discrimination indirecte (âge, genre, origine), exposant l’entreprise à des litiges. 
  • Attractivité dégradée : une image de recruteur “fermé” aux parcours non standards peut nuire à la marque employeur et décourager les talents 

Pour cela les professionnels des RH doivent exercer un esprit critique : l’IA doit être vue comme un outil d’aide, pas comme un décideur. Chaque recommandation doit être contextualisée par un regard humain. 

 

Quelle place pour l’IA dans le quotidien des recruteurs et quelles compétences à développer ?

Pour les recruteurs

En 2024, pas moins de 79% des recruteurs utilisent des outils d’IA générative dans le cadre de leurs activités professionnelles, une adoption doublée par rapport à 2023, où seulement 38,5% y faisaient appel.2  

L’intégration croissante de l’IA dans les processus de recrutement transforme profondément le rôle des recruteurs. Leur valeur ajoutée se déplace vers des interactions plus qualitatives avec les candidats et une expertise accrue dans l’utilisation responsable des outils technologiques. 

Pour répondre à ces enjeux, les services RH doivent : 

  • Comprendre et décrypter les mécanismes des outils d’IA (critères de tri, pondération des compétences, risques de biais), 
  • Collaborer avec les éditeurs de solutions d’IA et renforcer les compétences internes en matière de data et d’éthique. 

Cette évolution nécessite un accompagnement spécifique afin de concentrer les recruteurs sur des compétences à forte valeur ajoutée : 

  1. Sourcing et relationnel : développer le réseau, adopter une posture commerciale et humaine dans la relation candidat. 
  2. Maîtrise des ATS : savoir exploiter leurs fonctionnalités tout en conservant la main sur les décisions finales. 
  3. Connaissances en IA et en data : comprendre la logique des algorithmes et les données mobilisées. 
  4. Éthique et transparence : utiliser les solutions d’IA de manière responsable, en intégrant les limites et biais possibles. 

Pour les candidats

77% pensent que cette technologie peut améliorer leurs chances de trouver un emploi. Les jeunes générations adoptent plus aisément ces outils.3  

Les candidats tirent parti de l’IA pour optimiser leur recherche d’emploi et affiner leur préparation aux entretiens. Toutefois, cette évolution suscite des perceptions contrastées : 

Les candidats y voient un +, pour : 

  • Se préparer vis-à-vis de l’intérêt porté à l’entreprise 
  • Avoir une meilleure visibilité des offres adaptées à leurs compétences 
  • Développer un argumentaire renforcé 


Les candidats y voient un -, car : 

  • Les pratiques mises en œuvre pour sélectionner les candidats (perception qu’il faut « rentrer dans les cases » de l’algorithme avec l’utilisation de mots clés pour être présélectionné, courriels de refus automatiques envoyés à des heures décalées, etc.) génèrent un manque de reconnaissance dans l’acte de candidature et de la prise en compte du parcours candidat par les recruteurs 
  • Les échanges et questions des recruteurs – suivants des trames de questions préétablies par l’IA – pourrait dégrader la qualité des échanges et générer un manque de spontanéité  

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Quelles actions mettre en place pour accompagner les recruteurs dans ce changement ?

Quelques actions qui nous semblent fondamentales pour accompagner au mieux cette transformation :  


1. Choisir un ATS en fonction de ses besoins et intégrer l’IA de manière progressive
 

  • Commencez par automatiser les tâches les plus répétitives (tri des CV, prise de rendez-vous) pour optimiser le travail des recruteurs 
  • Pilotez chaque nouvelle fonctionnalité en environnement restreint avant un déploiement à grande échelle. 


2. Former les recruteurs aux outils et aux enjeux pour une transition adaptée
 

  • Proposez des ateliers sur l’acculturation à l’IA et le fonctionnement des algorithmes des outils de recrutement  
  • Développez l’esprit critique : savoir comment interpréter les scores ou suggestions générés par l’IA et analyser les recommandations apportées 


3. Personnaliser l’expérience candidat 

  • Utilisez l’IA générative pour rédiger des messages et annonces ciblés, en respectant la tonalité et les valeurs de l’entreprise. 
  • Identifiez les échanges à automatiser et ceux nécessitant une personnalisation par le recruteur selon le profil et l’étape du processus de recrutement. 


4. Mettre sous contrôle la protection des données candidats et anticiper les évolutions réglementaires
 

  • Préparez votre organisation à l’application complète de l’EU AI Act (2026) et au renforcement du RGPD : audits d’impact, documentation et consentements. 
  • Désignez un « référent IA éthique » ou comité de pilotage pour suivre la conformité et gérer les potentiels incidents. 


5. Mesurer/évaluer la pertinence des outils IA utilisés et améliorer en continu la qualité
 

  • Mettez en place des indicateurs clés pour suivre le gain de temps réalisé, la pertinence des recommandations apportées, la satisfaction des utilisateurs etc.  
  • Challengez vos partenaires pour proposer des outils répondant à vos principaux enjeux  

 

L’IA en recrutement n’est ni une baguette magique ni une menace insurmontable : c’est un levier puissant qui exige discernement et responsabilité. Les RH doivent être à la fois innovateurs et garants de l’éthique, pour conjuguer performance, équité et humanité. 
Le vrai enjeu n’est pas de savoir si l’IA remplacera le recruteur, mais comment le recruteur saura rester le pilote éclairé de l’IA. 

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