Pierre Allain débute sa carrière en 2018 chez Page Personnel, où il se spécialise dans le recrutement de profils commerciaux. En 2019, il rejoint Station F, au cœur de l’écosystème start-up, d’abord comme Talent Acquisition & Business Partner, puis comme Talent Acquisition Manager Europe. Il y forge une approche agile, multiculturelle et tournée vers la croissance.
Depuis 2022, il pilote la stratégie de recrutement de Hublo, une healthtech à impact qui repense l’organisation du travail dans les établissements de santé. À la tête de la Talent Acquisition, il défend une conviction forte : performance, engagement et sens doivent aller de pair.
Décideur engagé, Pierre Allain aborde sans détour les enjeux de diversité et d’inclusion. Il milite pour un recrutement plus exigeant, plus responsable, ancré dans la réalité du terrain… et aligné avec les attentes des talents d’aujourd’hui.
Qu’est-ce qui vous a conduit à choisir la fonction RH, et plus particulièrement le recrutement ?
Je n’avais pas anticipé ce choix de carrière. Après mon cursus en école de commerce, le Cabinet Michael Page m’a contacté pour un poste mêlant business et recrutement. Il s’agissait de comprendre les besoins des entreprises clientes et de leur trouver les bons profils. J’ai été immédiatement séduit par le rythme, la diversité des missions et la forte dimension humaine de ce métier. Bien exercé, le recrutement peut transformer une trajectoire individuelle et faire franchir un cap stratégique à une entreprise. C’est cette portée-là qui m’a donné envie de m’y engager sur le long terme.
Pourquoi certaines entreprises peinent-elles encore à séduire les talents ?
L’une des principales raisons, selon moi, est qu’une génération entière a été désillusionnée par le monde du travail. Les talents veulent du concret, pas des discours creux. Dans un secteur comme la healthtech, où le plein emploi a inversé le rapport de force, les talents sont mieux informés, très sollicités et beaucoup plus exigeants. Aujourd’hui, une entreprise qui n’incarne pas une proposition claire, sincère et alignée avec la réalité du terrain aura du mal à recruter… et encore plus à fidéliser.
Selon vous, quels sont aujourd'hui les plus grands défis que les recruteurs doivent relever pour répondre aux enjeux de demain ?
Le plus grand défi sera de recruter moins vite, mais mieux. Il faudra privilégier la justesse à la vitesse. L’intelligence artificielle jouera, à ce titre, un rôle décisif. La question n’est plus de savoir si nous allons l’utiliser, mais comment l’intégrer intelligemment.
Bien exploitée, l’IA améliore la qualité, l’inclusivité et la précision des recrutements. Elle détecte les biais dans les offres, élargit les viviers, automatise les tâches chronophages… et permet de recentrer les RH sur ce qui fait la différence : l’écoute, l’analyse, l’accompagnement.
Chez Hublo, nous l’utilisons, entre autres, comme levier d’inclusion. Nous retravaillons nos annonces pour supprimer les biais de genre, et rendons nos offres plus accessibles à des profils variés.
Côté sourcing, nous ajustons certains critères dans notre ATS pour rééquilibrer la représentation femmes-hommes et valoriser des parcours atypiques. Ce sont parfois des réglages subtils, mais qui ont de l’impact.
L’enjeu, désormais, est de faire de l’IA un outil au service d’une approche humaine, structurée et orientée impact. Ceux qui y parviendront prendront une longueur d’avance.
Pourquoi est-ce que certaines entreprises ont encore autant de mal à assumer un vrai parti pris ? Qu’est-ce qui les freine encore, selon vous ?
Cela suppose de sortir du discours convenu, et tout le monde ne sait pas le faire. Il y a la peur du bad buzz, bien sûr… mais le vrai frein, selon moi, c’est le manque de clarté sur sa propre identité.
La marque employeur est devenue une case à cocher. Résultat : les messages se ressemblent, les postures sonnent creux, et peu d’entreprises se démarquent réellement.
Dire “nous valorisons l’inclusion” ou “nous favorisons l’équilibre vie pro/perso” ne suffit plus. Sans preuves concrètes, ces promesses deviennent des slogans vides. Un vrai parti pris demande de la cohérence, de l’alignement… et un engagement fort du top management.
Heureusement, un tournant s’amorce. Des entreprises comme Alan ou Welcome to the Jungle assument des choix clairs, comme la semaine de 4 jours. Ce sont ces décisions concrètes, alignées avec la réalité du terrain, qui feront la différence demain.
Chez Hublo, quel est le parti pris que vous assumez pleinement ?
Notre singularité, c’est notre culture d’entreprise. Ce n’est pas un manifeste figé sur un site, mais une culture vivante, partagée, et incarnée au quotidien. Nous avons mené un travail de fond avec les équipes pour identifier ce qui fait notre ADN : les comportements que nous valorisons, ceux que nous refusons, et les principes qui nous rassemblent. Ces valeurs sont visibles dans chaque dimension de notre quotidien : nos recrutements, nos évaluations, nos feed-back, nos décisions stratégiques.
Quelles sont vos convictions chez Hublo ? Avez-vous des exemples concrets de réalisations dont vous êtes particulièrement fier ?
L’une de nos convictions fortes, c’est que le cultural add prime sur le cultural fit. Recruter des profils parfaitement alignés avec notre culture est confortable… mais ce n’est pas ce qui nous fait avancer. Nous cherchons des talents qui partagent nos valeurs, tout en étant capables de nous challenger, d’élargir notre horizon et de nous faire progresser.
Nous croyons aussi au rôle des collaborateurs comme ambassadeurs. Nous les formons à la prise de parole sur LinkedIn, pour qu’ils puissent partager leur expérience avec authenticité. Même si cela les rend plus visibles et, in fine, plus sollicités, nous préférons des équipes fières de représenter Hublo. Lors de notre dernier challenge interne, une cinquantaine de publications de collaborateurs ont généré plus de 400 000 vues. Une vraie réussite collective.
Quel est, selon vous, LE faux pas à absolument éviter et que l’on observe encore trop souvent chez les entreprises en matière de marque employeur et de recrutement ?
Survendre. Surjouer l’impact, la bienveillance ou l’esprit “start-up”… et finir par dépeindre une culture totalement déconnectée de la réalité. C’est le meilleur moyen de perdre toute crédibilité.
Les talents ne sont pas dupes. Une marque employeur qui sonne faux ne résiste pas longtemps. Mieux vaut assumer une culture réelle, avec ses forces et ses limites, que de créer un effet déceptif. C’est le piège numéro un aujourd’hui.
Sur quel axe prioritaire allez-vous concentrer vos efforts avec vos équipes cette année ?
Notre priorité sera de construire une cartographie des compétences claire et partagée. Jusqu’ici, nous procédions au cas par cas. Chaque nouveau poste avait sa propre grille, avec des critères parfois incohérents pour des compétences similaires.
Nous voulons désormais un socle commun : des définitions claires, des niveaux attendus partagés, une grille d’évaluation harmonisée. Cela passe par une meilleure structuration des entretiens, mais aussi par un alignement fort sur ce que recouvre chaque compétence.
C’est un levier pour professionnaliser davantage nos recrutements, accompagner les évolutions, et construire un cadre d’évolution équitable et lisible. L’objectif est de savoir précisément où nous en sommes, ce que nous cherchons… et ce dont nous aurons besoin demain pour concrétiser notre vision à horizon 2030.
Chaque mois recevez un éclairage sur les dernières tendances RH !
Selon vous, à quoi ressemblera le recruteur de demain ?
Je l’imagine comme un profil hybride, à la croisée du business, de l’humain et de la tech. Un partenaire stratégique, capable de comprendre les enjeux de l’entreprise, de challenger les hiring managers et de coacher les candidats comme les équipes internes. Il devra aussi être un bon storyteller, capable de construire une narration authentique autour d’un poste, d’une culture, d’une trajectoire.
Mais ce ne sera pas suffisant. Le recruteur de demain devra aussi maîtriser les codes du digital, de l’IA, du growth marketing. Pas pour faire “tendance”, mais pour gagner en justesse, en efficacité, en impact. Il restera un fin observateur : savoir lire entre les lignes, capter les signaux faibles, détecter un potentiel là où personne ne le voit encore. Curieux, agile, connecté… mais avant tout humain.
Avez-vous un dernier message à faire passer ?
Oui, il est temps d’arrêter de parler d’inclusion sans la pratiquer. En France, on continue trop souvent de recruter des profils qui nous ressemblent. Or, on ne peut pas se dire inclusif tout en écartant systématiquement les parcours “hors cadre”.
Je vois encore trop de talents mis de côté parce qu’ils ne rentrent pas dans les cases : reconversions, secteurs atypiques, parcours non linéaires… Pourtant, ces profils ont énormément à apporter. Les ignorer, c’est se priver d’une richesse. C’est surtout manquer une occasion de se réinventer.
Bio – Pierre Allain :
- Depuis mars 2022 : Head of Talent Acquisition – Hublo
- 2021 – 2022 : Talent Acquisition Manager – Start-up & Scale-Up Europe @ Station F
- 2019 – 2021 : Talent Acquisition & Business Partner – Start-up & Scale-Up @ Station F
- 2018 – 2019 : Consultant Recrutement Sales – Page Personnel
- 2017 – 2018 : Assistant Achats & Marketing (Liquides) – GALEC (Groupement d’Achats E.Leclerc) – Alternance
- 2017 : International Marketing Assistant – Moët Hennessy – Estates & Wines
- 2014 – 2017 : INSEEC Grande École – Spécialisation : Management, Marketing, Achats & Business Development
- 2012 – 2014 : ENC – Groupe ENACOM/ENSEC/ENCIA (École Nantaise de Commerce)