Emploi des seniors : la loi est entrée en vigueur, les RH face à de nouvelles obligations
Publiée au Journal officiel le 25 octobre 2025, la loi n° 2025-989 dite « loi seniors » marque un changement profond dans la manière dont les entreprises devront penser les carrières, l’engagement et la valorisation des salariés expérimentés. ConvictionsRH vous a proposé un premier panorama avant sa promulgation. Il est temps, aujourd’hui, d’entrer dans le concret.
Ce texte vient combler un vide : jusqu’ici, les politiques publiques en faveur de l’emploi des seniors étaient peu contraignantes et peu articulées entre elles. Cette fois, la loi fixe un cadre global plus précis et plus responsabilisant. Pour les DRH, c’est un tournant à ne pas sous-estimer : il ne s’agit plus simplement d’encourager le maintien en emploi, mais de construire une véritable stratégie de gestion des âges.
Ce que prévoit la loi : les principales mesures à retenir
Une négociation obligatoire sur les salariés expérimentés
Les entreprises de plus de 300 salariés sont tenues d’ouvrir une négociation collective spécifique sur l’emploi des salariés expérimentés. Cette négociation doit porter sur plusieurs thématiques : le recrutement des seniors, leur maintien en emploi, les aménagements possibles en fin de carrière, et la transmission des compétences. L’enjeu est clair : inscrire l’âge comme critère à part entière du dialogue social. Un index « seniors », sur le modèle de l’index égalité femmes-hommes, est en projet pour objectiver les pratiques.
Trois entretiens clés pour structurer la deuxième partie de carrière
La loi revoit en profondeur le cadre des entretiens professionnels et prévoit désormais trois rendez-vous distincts et obligatoires :
- Un entretien de mi-carrière vers 45 ans, associé à la visite médicale, pour aborder les questions d’usure professionnelle, d’évolution, de formation, de mobilité et de santé au travail.
- Un entretien de fin de parcours, entre 58 et 60 ans, pour préparer la suite : retraite progressive, cumul emploi-retraite, adaptation du poste ou passage à temps partiel.
- L’entretien professionnel classique, à effectuer dans l’année suivant l’embauche puis tous les quatre ans (contre deux auparavant), avec un état des lieux obligatoire tous les huit ans.
En cas de manquement, l’employeur sera tenu de procéder à un abondement du CPF.
Un nouveau contrat pour relancer l'emploi des seniors
Un Contrat de valorisation de l’expérience (CVE) est créé à titre expérimental pour cinq ans. Ce CDI est réservé aux demandeurs d’emploi de 60 ans ou plus (ou dès 57 ans par accord de branche). Il ouvre droit à des exonérations de cotisations retraite pour les employeurs, pour lever les freins à l’embauche des profils seniors. Reste à voir s’il sera plus efficace que les dispositifs précédents, comme le contrat de génération ou les aides ponctuelles à l’embauche des seniors, dont l’efficacité a été très limitée.
En parallèle, la retraite progressive est facilitée (dès 60 ans), tout comme le temps partiel fin de carrière et le cumul emploi-retraite. L’employeur devra désormais motiver son refus d’aménagement.
Enfin, les entreprises devront formaliser leur politique en matière de gestion des âges. Objectifs, indicateurs, bilans, traçabilité des actions mises en place… rien ne pourra être laissé au hasard. En cas de défaut, des mesures correctives ou sanctions pourront être prononcées.
DRH : les priorités à inscrire à l’agenda 2026
1. Se mettre en conformité sans attendre
- Recenser les salariés concernés par les nouveaux entretiens : identifier les collaborateurs qui atteindront 45 ans ou 58-60 ans dans l’année pour planifier les entretiens de mi-carrière et de fin de parcours.
- Adapter les trames d’entretien : intégrer les nouveaux objectifs fixés par la loi dans les supports d’entretien (usure professionnelle, perspectives d’évolution, retraite progressive, aménagements de poste, etc.).
- Formaliser les procédures de suivi et sensibiliser les managers
- Préparer la négociation obligatoire, pour les entreprises de plus de 300 salariés, en rassemblant les données (taux de maintien, accès à la formation, âge moyen au recrutement, etc.), comme point de départ d’une concertation objective et constructive.
2. Mettre en place les nouveaux entretiens obligatoires
- Entretien de mi-carrière (vers 45 ans) : à organiser dans les deux mois suivant la visite médicale de mi-carrière. Il doit aborder les perspectives d’évolution, les risques d’usure professionnelle, les besoins en formation et l’adaptabilité du poste. Le médecin du travail peut y contribuer.
- Entretien de fin de parcours (entre 58 et 60 ans) : son objectif est de préparer les conditions de fin de carrière : passage à temps partiel, retraite progressive, aménagements éventuels. Il est également l’occasion d’aborder la question de la transmission des compétences.
Ces deux entretiens ne remplacent pas l’entretien professionnel classique mais s’y ajoutent et le complètent. Il est donc essentiel d’intégrer ces jalons dans le calendrier de gestion RH, les outils SIRH et de former les managers à leur contenu spécifique, pour garantir des échanges conformes et utiles.
Nous aborderons ces articles plus en profondeur dans une prochaine publication.
Une réforme exigeante mais structurante
Cette loi ne laisse plus place à l’attentisme : elle invite les entreprises à sortir d’une approche court-termiste dans la gestion des effectifs et de l’expérience. Valoriser les parcours, anticiper les fins de carrière, repenser la place des seniors dans l’entreprise : ce sont les nouveaux marqueurs d’une politique RH responsable et adaptée aux réalités démographiques qui se dessinent.