La GEPP verte : quand les RH deviennent moteurs de la transition écologique
La transition écologique s’impose comme un tournant majeur pour les entreprises. Sous l’effet de régulations de plus en plus strictes (taxonomie verte, loi Climat et Résilience, directives européennes ESG) et d’une pression croissante des différentes parties prenantes dont les consommateurs, les organisations doivent adapter en profondeur leurs modèles économiques. Les attentes sociétales évoluent : les clients privilégient les produits écoresponsables, les investisseurs recherchent des stratégies de durabilité crédibles, et les collaborateurs expriment de plus en plus le besoin de travailler pour des entreprises engagées.
Au-delà de l’enjeu environnemental, c’est toute la structure des métiers et des compétences qui est amenée à évoluer. Dans ce contexte, les directions des ressources humaines sont appelées à jouer un rôle décisif. La transition écologique devient alors un projet d’entreprise global, qui interroge directement la façon dont les RH accompagnent les transformations des compétences et des emplois.
La GEPP verte : une approche stratégique de la transition des compétences
La Gestion Prévisionnelle des Emplois et des Parcours Professionnels (GEPP) offre un cadre de travail et une approche de méthode intéressants pour anticiper les transformations. Lorsqu’elle intègre les enjeux environnementaux, elle devient un véritable levier de résilience. On parle alors de GEPP verte.
Il s’agit d’abord de comprendre comment les métiers évoluent, à quel rythme, et avec quelles implications concrètes sur les compétences requises. Tous les secteurs sont concernés, mais chaque secteur anticipe des changements différents. Dans l’automobile, la disparition programmée du moteur thermique entraîne une redéfinition rapide des compétences techniques. Dans l’énergie, les enjeux de maintenance liés aux énergies renouvelables ou aux réseaux intelligents modifient profondément les référentiels métiers. Dans la finance ou le conseil, l’évaluation des risques environnementaux devient un nouveau champ d’expertise et crée de nouveaux métiers.
Face à ces mutations, le développement RH doit se doter d’outils pour analyser les écarts entre les compétences existantes et celles qui seront bientôt nécessaires. Cela passe par une cartographie fine des emplois, des diagnostics partagés avec les managers et avec les collaborateurs, et une veille active sur les transformations sectorielles. Il ne s’agit plus seulement de gérer les talents, mais bien d’anticiper l’avenir du travail.
Former de manière ciblée et utile
Une fois les métiers prioritaires identifiés, l’enjeu consiste à dessiner des parcours de développement des compétences réellement utiles. Trop souvent, les formations liées à la transition écologique restent trop générales ou trop théoriques. Ce dont les collaborateurs ont besoin, ce sont de compétences opérationnelles, spécifiques à leur environnement, à acquérir par des formations, mais aussi par d’autres leviers : l’apprentissage entre pairs, le tutorat en situation de travail, …
Certaines entreprises montrent l’exemple. Veolia a ainsi mis en place des programmes internes de formation à la maintenance des installations solaires et éoliennes, qui combinent modules techniques, immersion terrain et retours d’expérience. EDF a développé des formations sur les réseaux intelligents, autour la montée en compétences sur les nouvelles technologies métier et l’optimisation énergétique. Dans ces approches, l’accompagnement à l’évolution des compétences est ancré dans la réalité des métiers concernés.
Les certifications environnementales, comme l’ISO 14001 pour le management environnemental ou l’ISO 50001 pour l’énergie, offrent un cadre structurant, mais elles ne suffisent pas. Elles doivent être combinées à la mise en place de parcours ciblés par métier et répondant très concrètement à des besoins tangibles des équipes. C’est dans cette articulation entre vision stratégique et adaptation locale que la GEPP joue pleinement son rôle.
Changer les mentalités pour réussir la transition
Mais la transformation ne s’arrête pas aux savoir-faire techniques. Elle implique aussi (et surtout ?) une évolution profonde des comportements et des mentalités. La transition écologique exige plus d’agilité, de transversalité, de rupture avec les méthodes traditionnelles de développement des compétences, une capacité à innover dans un contexte incertain, qui doit devenir un réflexe pour chacun.
Certaines entreprises ont compris l’importance de ces aptitudes comportementales et leur rôle pour accompagner la transition. L’Oréal, par exemple, a recours à des serious games pour faire vivre à ses équipes des scenarios d’innovation durable. Danone organise des ateliers de réflexion collective sur la conception de produits plus responsables. Ces dispositifs permettent aux collaborateurs de s’approprier les enjeux environnementaux de manière active, participative, marquante.
Pour autant, il est important d’éviter l’effet « gadget » de ce type d’initiative et de garder à l’esprit que l’acculturation aux enjeux de durabilité ne doit pas être cantonnée à une sensibilisation ponctuelle. Elle doit s’inscrire dans la durée, avec des formats engageants, des échanges transversaux réguliers, et une valorisation des initiatives internes. Ce sont ces dynamiques collectives qui nourrissent une culture du changement et favorisent l’adhésion, au bénéfice de la performance collective de l’organisation.
Financer la transformation des compétences : un nouveau champ des possibles
La mise en place d’une GEPP verte soulève bien sûr la question des moyens. Sur ce point, plusieurs leviers sont activables. Le Compte Personnel de Formation (CPF), les nombreux dispositifs portés par les OPCO, les crédits d’impôt formation sont autant d’outils mobilisables. À cela s’ajoutent des mécanismes européens, comme le Fonds pour une transition juste, destiné à accompagner les reconversions dans les secteurs les plus exposés.
Ces dispositifs doivent être connus, articulés et utilisés de manière stratégique. Encore une fois, le rôle de la direction RH est crucial pour proposer ces pistes de financement, mobiliser en interne pour monter les dossiers et porter la dynamique auprès du CODIR. En combinant les financements publics et les efforts internes, il devient possible de structurer des plans de formation ambitieux et au poids budgétaire maîtrisé.
Saisir l’opportunité de repenser la performance durable
S’engager dans une GEPP verte, ce n’est pas seulement répondre à une obligation réglementaire ou afficher une politique RSE. C’est une démarche qui peut profondément transformer la performance de l’entreprise. Les collaborateurs formés sont plus agiles, plus engagés, et mieux préparés aux futures évolutions qui restent à venir. A la clé, une meilleure attractivité, une marque employeur valorisée et des effets bénéfiques sur le taux de turnover.
Cette démarche prépare surtout l’entreprise à conquérir de nouveaux marchés, à innover dans ses offres, à devenir un acteur ou un ambassadeur reconnu de la transition environnementale. C’est une façon de lier compétitivité et durabilité, au service d’un modèle plus résilient.
Et maintenant ?
La transition écologique n’est plus un horizon lointain : elle redessine dès aujourd’hui les nouveaux contours du travail. Dans ce mouvement, les RH ont un rôle central à jouer. Anticiper, former, transformer… c’est dès maintenant que cela se construit.
Si vous vous interrogez sur la manière d’ancrer concrètement ces enjeux dans vos pratiques RH, nous pouvons vous appuyer.
Sources par sujet abordé :
- Véolia – Communiqué de presse officiel de Véolia, février 2025 ; Catalogue de formation énergies renouvelables
- EDF – Catalogue formation itech (reseaux electriques intelligents) ; Accord d’entreprise EDF Renouvelables
- Danone – Page officielle de Danone sur l’agriculture régénératrice ; Danone recherche et innovation
- BNP Paribas – Article de Reuters sur la réorientation de la stratégie ESG de BNP Paribas, janvier 2025.
- L’Oréal – Les innovations beauty tech ; Le programme « Brandstorm »
- FTJ – Financement des programmes de reconversion (sidérurgie, les mines, l’industrie pétrolière…) – source EU Funding & Tenders Portal
- FNE – Information sur le Fonds national de l’emploi – Formation (FNE-Formation)