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Le fait générateur en paie est un élément essentiel pour garantir la conformité des paies des entreprises vis-à-vis de leurs obligations envers les salariés et envers les organismes de cotisations sociales.

La naissance du fait générateur est simultanée aux premiers systèmes de rémunération du fait du lien indissociable entre versement pour un travail rendu et la période de rattachement de ce travail. La tolérance n’est aujourd’hui plus de mise et les exigences en matière de versement, régularisations et cotisations se durcissent contraignant les payeurs à ne plus dissocier le versement, de rémunérations et ou de cotisations, de sa période de rattachement. Retrouvez tout ce qu’il faut savoir sur le fait générateur dans cet article, des origines à l’actualité récente en abordant les risques pour les entreprises, les bonnes pratiques à suivre et les difficultés qui pourraient survenir en matière de SIRH.

 

Retour sur l’histoire du Fait Générateur en Paie et son évolution :

L’histoire du fait générateur en paie trouve ses origines dans l’émergence des premiers systèmes de rémunération et dans l’organisation du travail au sein des sociétés. Remontant jusqu’au Moyen Âge, dès les premières manifestations de l’emploi salarié, il devint impérieux de déterminer avec précision le moment où une rémunération devait être accordée pour un travail accompli.

Au tournant du XXe siècle, avec l’évolution des systèmes économiques et sociaux, ainsi que des réglementations légales, le concept de fait générateur en paie a évolué et s’est perfectionné. Les entreprises ont été confrontées à des défis croissants relatifs à la gestion précise des rémunérations, à la conformité aux normes en perpétuelle évolution et à la nécessité de garantir la transparence et l’équité dans la rétribution des employés.

Dans le domaine de la paie, le fait générateur est devenu un concept fondamental, déterminant le moment précis où une obligation de paiement de salaire ou de cotisations sociales naît pour l’employeur. Ce moment peut être associé à la conclusion d’une période de travail, à la survenance d’un événement spécifique tel qu’une prime ou une indemnité, ou à toute autre circonstance définie par la législation ou les accords collectifs.

À partir des années 1960, à mesure que les entreprises se sont développées et que les réglementations sociales et fiscales se sont complexifiées, la gestion du fait générateur en paie est devenue de plus en plus sophistiquée. Les entreprises ont dû mettre en place des processus et des systèmes informatiques robustes pour suivre et calculer avec précision les rémunérations, les cotisations et les déductions, garantissant ainsi leur conformité aux réglementations en vigueur.

Cette nécessité émanait de plusieurs facteurs, dont la volonté d’assurer l’équité entre les employés, de garantir le respect des obligations contractuelles, ainsi que de répondre aux exigences fiscales et sociales émergentes

Le principe selon lequel le paiement du salaire et des cotisations associées doit être rattaché à la période à laquelle l’activité de travail a été réalisée n’est pas récent.

 

La règle théorique applicable est que les taux et plafonds applicables sont ceux en vigueur au cours de la période de travail au titre de laquelle les rémunérations sont dues. Cette règle est la même pour les sommes rattachées à cette paie (CSS art. R 242-1). De la même façon tout rappel de salaire ordonné en justice se voit appliquer les taux et plafonds de la période de travail à laquelle il correspond. Elle est également applicable pour les cotisations de retraite complémentaire tout comme pour les cotisations de sécurité sociale, mais pour certaines autres caisses (AGIRC/ARRCO) le positionnement différait.

Concernant les régularisations de rémunération, on constate que jusqu’en 2018 une tolérance était observée tant dans les pratiques des payeurs, que dans les contrôles URSSAF et que dans la majorité des cas, elles étaient rattachées au mois de versement de la paie ou de la régularisation. Le BOSS et les décrets suivants de 2023 mettent un terme à cette tolérance et réaffirment le principe de rattachement à la période d’emploi. C’est un changement majeur qui contraint les entreprises à appliquer stricto sensu le principe de rattachement des versements (salaires et cotisations) à la période à laquelle l’activité de travail a été réalisée.

Enfin, pour ce qui est des cotisations et contributions, la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2017 modifie le fait générateur des cotisations sociales et de CSG-CRDS. Jusqu’à présent, le fait générateur des cotisations et contributions sociales était constitué par le versement effectif de la rémunération, dorénavant il sera constitué par la période de réalisation de l’activité peu importe le mois de versement de la rémunération.

 

Principes Généraux

Le fait générateur des cotisations sociales et des contributions sociales est constitué par la période d’emploi à laquelle les rémunérations se rapportent. En d’autres termes, le principe général de rattachement à la période d’emploi reste inchangé mais devra être systématiquement appliqué non seulement pour les éléments de salaire mais aussi pour le calcul des assiettes, l’application des taux et les règles applicables en termes de plafonds pour le calcul des cotisations. L’ensemble devra correspondre à ce qui aurait dû être appliqué si le versement et le calcul avaient été réalisés sur le mois de survenance de la période de travail.

Voici un résumé des principes de base :

  • Contrat en Cours d’Exécution : Les rémunérations sont rattachées à la période d’emploi pendant laquelle elles ont été versées, les taux et plafonds applicables pour le calcul des cotisations sociales sont ceux en vigueur au cours de la période de travail au titre de laquelle les rémunérations sont dues (c. séc. soc. art. R. 242-1, II, al. 1), y compris en cas de décalage de paye (BOSS, Assiette générale, § 440, 01/01/2024). De la même façon pour les sommes versées pour corriger une erreur de paye (BOSS, Assiette générale, § 460, 01/01/2024) ou encore celle au titre de la suspension du contrat de travail (BOSS, Assiette générale, § 430, 01/01/2024). En revanche pour les éléments de rémunération qui par accord ou réglementation sont soumis à une périodicité différente, les cotisations applicables sont celles du mois de versement ((c. séc. soc. art. R. 242-1, II, al. 2 ; BOSS, Assiette générale, § 450, 01/01/2024), il peut s’agir par exemple d’une prime de vacances, ou encore des indemnités de congés payés.
  • Après la Rupture du Contrat : Les rémunérations versées après la fin du contrat de travail sont rattachées à la dernière période d’emploi du salarié.
  • Décisions de Justice : Pour les rappels de rémunération ordonnés par décision de justice, les règles applicables sont celles en vigueur lors des périodes de travail donnant lieu aux rappels.

 

Pour illustrer ces principes, prenons les cas suivants :

Un employé a été en arrêt maladie d’octobre à décembre 2023, avec reconnaissance de cet arrêt en accident du travail en janvier 2025. Les paies produites sur les périodes d’octobre 2023 à décembre 2023 nécessitent une régularisation qui doit être effectuée sur le bulletin de paie de janvier 2025.

Il faudra appliquer le principe de rattachement à la période d’emploi et appliquer aux régularisations les taux, les assiettes et les plafonds en vigueur en octobre, novembre et décembre 2023, correspondant à la période d’emploi pour laquelle les rémunérations sont dues.

De manière similaire, dans un autre scénario, si un salarié quitte l’entreprise en 2022 et qu’une décision de justice est rendue en 2025 obligeant l’entreprise à payer des heures supplémentaires au titre de 2022, l’entreprise devra verser ces heures supplémentaires en utilisant les règles/taux/assiettes en vigueur en 2022.

L’application de la règle de rattachement du fait générateur a fait l’objet de nombreux débats et un certain nombre d’éditeurs de logiciel de paie ont demandé un assouplissement de l’obligation afin de pouvoir y apporter une réponse fonctionnelle dans leurs outils.

Pour abonder dans ce sens, un décret de décembre 2023 (décret 2023-1384 du 29 décembre 2023) vient assouplir les règles du BOSS pour n’imposer ce rattachement qu’au salaire versé à compter de janvier 2025.

 

Quels sont les risques et les impacts pour les Entreprises ?

La gestion du fait générateur en paie peut présenter des risques pour les entreprises :

  • Risque d’erreurs de calculs : Si les règles d’assiette, de taux ou de plafonnement ne sont pas correctement appliquées, cela peut entraîner des erreurs dans le calcul des cotisations sociales et des contributions sociales, a fortiori si la gestion est manuelle
  • Risque d’erreurs déclaratives : Si l’outil de gestion de paie ne permet pas une gestion automatisée des régularisations et du fait générateur, le gestionnaire de paie devra possiblement réaliser des régularisations manuelles (rubriques de cotisations, modification manuelle des plafonds et assiettes, ajout de bloc dans la DSN), avec les risques d’erreurs que cela entraîne.
  • Risque URSSAF : En cas de contrôle URSSAF, le contrôleur va et peut vérifier la bonne application de ce principe et des ces régularisations
  • Risque de sanctions financières : Les entreprises qui ne respectent pas les obligations liées au fait générateur peuvent faire l’objet de sanctions financières, telles que des amendes ou des pénalités, notamment lors de contrôles URSSAF.
  • Impact en termes de conduite du changement : La mise en application de ce principe modifie les habitudes de travail des gestionnaires de paie.
  • Impact sur le mode de gestion : Une mauvaise gestion peut entraîner des retards dans le traitement des salaires, des litiges avec les salariés et des problèmes de conformité sur la partie déclarative. Le responsable paie devra donc ajouter des contrôles concernant les régularisations et la vérification des périodes de rattachement
  • Impact sur le SIRH Paie : l’ensemble du processus et des acteurs de la paie sont impactés par ce changement, aussi le besoin d’un outil répondant à cette norme et permettant sa gestion la plus automatisée possible va être déterminante. La question autour des outils actuellement utilisés, de leur capacité à traiter ce fait générateur, et d’un changement éventuel devra et sera au centre des préoccupations du service paie.

 

Quelles entreprises sont concernées ?

Toutes les entreprises sont potentiellement impactées et notamment dans les cas suivants :

  • Versements d’éléments de rémunération selon des périodicités autres que mensuelles 
  • Corrections d’erreurs relatives à des périodes d’activité antérieure.
  • Prise en compte décalée d’événements affectant la rémunération mensuelle.
  • Présence de salariés non soumis à une mensualisation
  • Gestion des successions de contrats à durée déterminée

 

La gestion du fait générateur : Quelles sont les bonnes pratiques pour assurer la conformité et la fiabilité des processus de paie ?

La gestion du fait générateur nécessite une connaissance approfondie des règles sociales en vigueur. Les professionnels de la paie doivent anticiper les changements législatifs et s’assurer que les outils de paie sont adaptés. Il est par ailleurs important de respecter ces étapes pour une bonne gestion en paie :

  • Identification des Cas de Fait Générateur : Tout d’abord, il est essentiel d’identifier les situations dans lesquelles le fait générateur s’applique. Cela peut inclure des corrections d’erreurs passées, des rémunérations variables, des départs ou des absences des salariés, des sanctions prud’homales ou toute autre circonstance nécessitant un ajustement des rémunérations.
  • Collecte des Informations : Une fois les cas de fait générateurs identifiés, il est nécessaire de collecter toutes les informations pertinentes concernant les rémunérations en question, y compris les données salariales, les périodes de travail, les heures supplémentaires, les primes, les congés, etc.
  • Analyse et Calcul : Après avoir recueilli les informations nécessaires, il convient d’analyser chaque cas de fait générateur et de calculer les montants à ajuster en fonction des réglementations sociales et fiscales en vigueur.
  • Émission des Bulletins de Régularisation : Une fois les ajustements calculés, il faut émettre les bulletins de régularisation correspondants. Ces bulletins doivent être clairement identifiés comme des bulletins de régularisation et doivent indiquer la période à laquelle ils se rapportent.
  • Déclaration et Paiement des Cotisations : Après avoir émis les bulletins de régularisation, il est important de s’assurer que les cotisations sociales et fiscales correspondantes sont correctement déclarées et payées aux autorités compétentes dans les délais impartis.
  • Formation et Sensibilisation : Il est crucial de former et de sensibiliser les équipes en charge de la paie aux principes du fait générateur et aux procédures à suivre en cas d’erreur ou d’omission. Cela garantira une gestion efficace et conforme des rémunérations.
  • Veille Réglementaire : Enfin, il est essentiel de maintenir une veille réglementaire constante pour anticiper les changements législatifs et s’adapter aux nouvelles exigences en matière de déclarations sociales et fiscales.

 

Impacts sur les Outils SIRH Paie et GTA : adaptations nécessaires et optimisation des processus :

L‘obligation de mettre en application le fait générateur impacte directement les services RH, mais aussi les outils SI qu’ils utilisent.

En effet, il va être attendu de ces derniers aussi bien en GTA qu’en paie qu’ils soient en mesure de gérer les cas de rétroactivité et de rattachement à la période de réalisation de l’activité.

Pour les outils de GTA, l’enjeu va être la capacité à renvoyer des informations d’absence, d’activités etc. sur des périodes antérieures avec la bonne période de rattachement.

Pour les outils de paie, l’impératif va être l’intégration d’éléments d’une période antérieure sur le bulletin du mois, en y appliquant les bons taux, règles etc. mais aussi de déclencher en DSN les blocs de régularisations correspondants. Sans cette gestion par l’outil, la gestion de la paie peut se révéler complexe, chronophage et risquée a fortiori avec certains outils obsolètes, obligeant les gestionnaires de paie à intervenir manuellement. Cela inclut le déclenchement des rubriques, le forçage des taux, la création de blocs dans la DSN, la complétude des blocs DSN manuelle, ainsi que la vérification et la ressaisie de bulletins de salaire, des absences et des compteurs…

Il est donc crucial que les outils de paie et de GTA soient paramétrés en fonction des règles du fait générateur et en permette une gestion la plus automatisée possible, au risque de se voir remplacer par des outils plus adaptés aux contraintes actuelles.

 

Conclusion

Le fait générateur en paie est un élément essentiel pour garantir la conformité des paies des entreprises vis-à-vis de leurs obligations envers les salariés et envers les organismes de cotisations sociales.

Cela demande une expertise pointue et une veille constante sur les évolutions législatives auxquelles les gestionnaires de paie doivent s’astreindre pour garantir la fiabilité de la production des bulletins de paie.

Mais le fait générateur met en lumière qu’il peut être nécessaire de faire évoluer ses pratiques et ses habitudes de travail mais aussi qu’il est important voire déterminant d’anticiper les changements d’outils lorsque nécessaire, surtout si la feuille de route de l’éditeur ne garantit pas une bonne couverture des obligations légales et déclaratives.

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